Égalité (historique)



L'idée d'égalité se base sur celle d'une nature commune à tous les hommes, une nature universelle de l'espèce humaine. L'égalité est devenue problématique du fait de certaines différences entre les hommes : différences de religion, de race, de condition. Le problème étant : doit-on traiter de la même manière, comme des égaux, les hommes de race ou de religion différentes ? Doit-on justifier l'esclavage ? Ainsi, par exemple, pour le pape Paul III (1468-1549), les Indiens ont une âme comme les Européens, il ne faut ni les convertir de force ni les réduire en esclavage. Plus tard, Montesquieu dénoncera les justifications des esclavagistes selon lesquels les Noirs ne peuvent avoir une âme ou une raison. 

L'égalité des religions ou la liberté de confession et de culte est sans doute la première expression de l'idée d'égalité entre les hommes. En effet on la trouve déjà dans l'empire Perse au VIe siècle avant J.-C. alors que Cyrus décrète la liberté de culte dans son empire.

L’une des sources de l’idée d’égalité entre les hommes est chrétienne. Les hommes ont tous été créés par Dieu et ont une origine commune, donc ils sont égaux. Paul de Tharse au Ier siècle après J.-C. écrit dans les Épitres aux Corinthiens : "Celui qui plante et celui qui arrose sont égaux ; et chacun recevra sa propre récompense selon son propre travail."

Ce sont les Scolastiques, et principalement Saint Thomas d’Aquin, qui inaugurent les théories modernes du droit naturel : le droit naturel fait certes partie du droit divin et est donc institué et voulu par Dieu, mais il s'appréhende par la raison humaine, en dehors de toute révélation. Le droit divin est établi par la loi divine, le droit naturel repose sur la création. Dans la mesure où ils sont de même nature, les hommes sont tous régis par le même droit, les mêmes principes de justice. 

L'égalité implique la liberté dans la mesure où nul homme n'est supérieur à un autre et ne peut donc le dominer. L'égalité des hommes est l'égalité de leurs caractéristiques essentielles : ils sont des êtres vivants, indépendants et donc Dieu ou la Nature veulent qu'ils vivent et soient libres. Ce sont les premiers droits de l'homme, vie et liberté. 

En Afrique, Soundiata Keita, premier empereur du Mali, aurait promulgué la Charte du Manden (Kouroukan Fouga) vers 1236. Cette constitution déclare que chacun a le droit de vivre et de préserver son intégrité physique. 

Au XVIe siècle, au début de la soumission de l’Amérique, alors que l’esclavage disparaît en Europe pour réapparaître sur l’autre rive de l’Atlantique, Las Casas et L'École de Salamanque affirment le principe de l'unité du genre humain : l’individu naît à priori libre, et non esclave ; il naît libre et doit demeurer libre. À la même époque, tandis que sévissent les guerres de religion, apparaît la notion de liberté de conscience, et la séparation de la philosophie et de la religion, rangée au rang d’une opinion.  
L'École de Salamanque (groupe de théologiens et de juristes espagnols du XVIe siècle) a reformulé le concept de Droit naturel. Celui-ci provient de la nature même, et tout ce qui existe selon l'ordre naturel partage ce droit. La conclusion évidente est donc que tous les hommes partageant la même nature partagent aussi les mêmes droits comme l'égalité ou la liberté. Face à la conception prédominante en Espagne et en Europe, considérant les indiens d'Amérique comme des mineurs ou incapables, la grande nouveauté a été la reconnaissance de leurs droits, comme celui de rejeter la conversion forcée ou le droit à la propriété de leurs terres. Puisque l'homme ne vit pas isolé mais en société, la loi naturelle n'est pas limitée à l'individu. Ainsi, par exemple, la justice est un exemple de loi naturelle qui est effectuée dans la société. Pour Gabriel Vázquez (1549-1604) agir avec justice est un devoir dicté par la loi naturelle.  

En 1537, le pape Paul III, partageant les idées de Las Casas à propos des Indiens, promulgue une bulle intitulée Sublimis Deus.

"Le Pape Paul III, à tous les Chrétiens fidèles auxquels parviendra cet écrit, santé dans le Christ notre Seigneur et bénédiction apostolique. Le Dieu sublime a tant aimé le genre humain, qu'Il créa l'homme dans une telle sagesse que non seulement il puisse participer aux bienfaits dont jouissent les autres créatures, mais encore qu'il soit doté de la capacité d'atteindre le Dieu inaccessible et invisible et de le contempler face à face; et puisque l'homme, selon le témoignage des Ecritures Sacrées, a été créé pour goûter la vie éternelle et la joie, que nul ne peut atteindre et conserver qu'à travers la foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ, il est nécessaire qu'il possède la nature et les facultés qui le rendent capable de recevoir cette foi et que quiconque est affecté de ces dons doit être capable de recevoir cette même foi.

Ainsi, il n'est pas concevable que quiconque possède si peu d'entendement que, désirant la foi, il soit pourtant dénué de la faculté nécessaire qui lui permette de la recevoir. D'où il vient que le Christ, qui est la Vérité elle-même, qui n'a jamais failli et ne faillira jamais, a dit aux prédicateurs de la foi qu'il choisit pour cet office « Allez enseigner toutes les nations ». Il a dit toutes, sans exception, car toutes sont capables de recevoir les doctrines de la foi.

L'Ennemi du genre humain, qui s'oppose à toutes les bonnes actions en vue de mener les hommes à leur perte, voyant et enviant cela, inventa un moyen nouveau par lequel il pourrait entraver la prédication de la parole de Dieu pour le salut des peuples: Il inspira ses auxiliaires qui, pour lui plaire, n'ont pas hésité à publier à l'étranger que les Indiens de l'Occident et du Sud, et d'autres peuples dont Nous avons eu récemment connaissance, devraient être traités comme des bêtes de somme créées pour nous servir, prétendant qu'ils sont incapables de recevoir la Foi Catholique.

Nous qui, bien qu'indigne de cet honneur, exerçons sur terre le pouvoir de Notre-Seigneur et cherchons de toutes nos forces à ramener les brebis placées au dehors de son troupeau dans le bercail dont nous avons la charge, considérons quoi qu'il en soit, que les Indiens sont véritablement des hommes et qu'ils sont non seulement capables de comprendre la Foi Catholique, mais que, selon nos informations, ils sont très désireux de la recevoir. Souhaitant fournir à ces maux les remèdes appropriés, Nous définissons et déclarons par cette lettre apostolique, ou par toute traduction qui puisse en être signée par un notaire public et scellée du sceau de tout dignitaire ecclésiastique, à laquelle le même crédit sera donné qu'à l'original, que quoi qu'il puisse avoir été dit ou être dit de contraire, les dits Indiens et tous les autres peuples qui peuvent être plus tard découverts par les Chrétiens, ne peuvent en aucun cas être privés de leur liberté ou de la possession de leurs biens, même s'ils demeurent en dehors de la foi de Jésus-Christ; et qu'ils peuvent et devraient, librement et légitimement, jouir de la liberté et de la possession de leurs biens, et qu'ils ne devraient en aucun cas être réduits en esclavage; si cela arrivait malgré tout, cet esclavage serait considéré nul et non avenu.

Par la vertu de notre autorité apostolique, Nous définissons et déclarons par la présente lettre, ou par toute traduction signée par un notaire public et scellée du sceau de la dignité ecclésiastique, qui imposera la même obéissance que l'original, que les dits Indiens et autres peuples soient convertis à la foi de Jésus Christ par la prédication de la parole de Dieu et par l'exemple d'une vie bonne et sainte.

Donné à Rome, le 29 mai de l'année 1537, la troisième de Notre Pontificat."

En politique, le droit naturel pose des limites aux prétentions du pouvoir en place : Jean Bodin (philosophe et théoricien politique français du XVIe) peut ainsi affirmer qu’en monarchie "les sujets obéissent aux lois du monarque et le monarque aux lois de nature, la liberté naturelle et la propriété des biens demeurant aux sujets".
L'égalité politique se développe en Angleterre au XVIIe siècle avec la Guerre civile (ou Première révolution) et la révolution de 1688 (Glorious revolution) qui aboutissent à une monarchie constitutionnelle limitant les pouvoirs du roi. Un mouvement politique surnommé Les Niveleurs (Levellers) défend l'idée de l'égalité devant la loi. L'un de ses membres, Lilburne, définit les droits de l'homme libre (freeborn rights) : ce sont les droits que chaque homme possède de naissance, par nature, au contraire des droits accordés par le souverain ou la loi. Cette conception préfigure celle de John Locke et des auteurs de la Déclaration d'indépendance des États-Unis. 

L'égalité naturelle entre les hommes c'est l'appartenance à une espèce unique et indivisible qui donne à chacun des biens essentiels, la vie et la liberté.  
 

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