Commentaire de texte : Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut
Le texte est extrait
du roman « Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon
Lescaut » écrit au début du XVIIIe siècle par l’Abbé Prévost. Il
raconte le souvenir d’une rencontre amoureuse entre le narrateur, le chevalier
Des Grieux, âgé de dix sept ans, et une très jeune fille. La rencontre est
décrite comme un véritable coup de foudre. Nous allons essayer d’abord de montrer comment l’auteur exprime
la force du sentiment. Il s’agit de montrer quels procédés l’auteur utilise
pour exprimer la force du sentiment qui est ici amoureux. Nous verrons ensuite
comment se manifeste la distance entre le moi du jeune homme et celui du
narrateur. Il s’agit d’étudier la différence entre le point de vue du héros et
celui du narrateur qui s’exprime à la première personne du singulier.
Dans cet extrait, le
point de vue est subjectif car le narrateur s’exprime à la première personne du
singulier. Ce procédé permet de connaître les pensées du personnage et donc ses
sentiments. La force du sentiment apparaît d’abord dans la manière dont le
héros perçoit la beauté de la jeune femme, soulignée par l’emploi du
« si » qui accentue le propos : « elle me parut si
charmante… » (L7). Ensuite l’auteur utilise les procédés de la métaphore
et de l’hyperbole pour exprimer avec emphase la force du sentiment
amoureux du jeune homme : « je me trouvai enflammé tout d’un coup
jusqu’au transport » (L10). On peut noter qu’il joue sur le contraste
entre cette description et le jeune homme dont « tout le monde admirait la
sagesse et la retenue ». L’auteur utilise à nouveau une hyperbole pour
exprimer toujours avec emphase la manière dont le héros perçoit la jeune
femme qu’il appelle par une périphrase : « la maitresse de mon
cœur » (L12). Puis il utilise à nouveau une métaphore pour décrire
l’influence de l’amour : « l’amour me rendait si éclairé »
(L15). On a l’impression que cette phrase est l’opposé du dicton bien connu
« l’amour rend aveugle ». On peut noter aussi la répétition des
« si », procédé qui a pour objectif d’accentuer le propos comme on
l’a vu. Le projet d’envoyer la jeune femme au couvent est présenté de manière
tragique comme « un coup mortel pour mes désirs » (L 16). On peut
noter qu’il ne s’agit plus là d’amour ou de sentiment amoureux mais de désirs.
L’amour est aussi présenté comme une force qui permet de se battre, avec les
nombreuses raisons qu’il inspire : « je combattis…par toutes les
raisons que mon amour naissant …purent me suggérer » (L20). Enfin,
l’auteur montre la force fatale de cet amour par cette allusion :
« l’ascendant de ma destinée qui m’entrainait à ma perte » (L24).
Dans le texte, le
narrateur raconte son souvenir à la première personne du singulier, ce qui
donne un aspect plus vivant au récit. Dans la première partie, il décrit le
lieu et le moment de la rencontre de manière réaliste et très précise :
« mon départ d’Amiens …Nous vîmes arriver le coche d’Arras… ».
La scène de la rencontre est décrite précisément par le narrateur avec un
regard extérieur. Puis celui-ci donne un point de vue général sur le héros, sur
la manière dont il est vu par les autres : « moi (…) dont tout le monde
admirait la sagesse et la retenue… » (L9) puis « j’avais le défaut
d’être excessivement timide et facile à déconcerter » (L11). Ensuite, il
exprime un point de vue subjectif et intérieur sur son héros, vu par lui-même,
et il nous fait partager ce qu’il ressent : « je me trouvai
enflammé tout d’un coup jusqu’au transport ». A la fin du texte, le
narrateur porte un jugement sur cette rencontre qu’il juge tragique avec le
recul. Il fait des allusions à ce qui va se passer par la suite et utilise le
procédé de la prolepse : « l’ascendant
de ma destinée qui m’entraînait à ma perte » (L25). La distance entre le
narrateur et le personnage est ici celle du temps écoulé. Le narrateur a un
regard tragique sur ce qui va se passer et l’amour est présenté comme une
fatalité contre laquelle le héros ne peut pas lutter. Cette distance est
d’ailleurs présente dès le début du texte quand le narrateur dit :
« Hélas ! que ne le marquais-je un jour plus tôt ! J’aurais
porté chez mon père toute mon innocence » (L2). En exprimant ce regret, il
annonce ses malheurs et se démarque du jeune homme innocent. On s’aperçoit que
la distance entre le moi du jeune homme et celui du narrateur est présente tout
au long tout au long du texte. Elle se révèle dans les jugements que Des Grieux
porte sur lui-même et dans les prolepses du début et de la fin.
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