Dom Juan, acte I scène 2 : la tirade sur l’inconstance
1) Quelle est l'argumentation de Don Juan ?
Don Juan défend l’inconstance. Il
veut persuader Sganarelle qu’elle est un bien. Il commence par critiquer la
constance. Il compare celle-ci à la mort. Etre fidèle en effet, c’est rester
insensible aux autres femmes. Qu’est-ce que l’insensibilité sinon la
mort ? Il est absurde de cultiver ou de feindre l’insensibilité alors
qu’on est en vie. Et, puisque c’est absurde, il n’y a aucune dignité dans la
constance. On ne peut que rire de l’erreur qui consiste à associer l’honneur et
la fidélité. Après avoir critiqué la constance, Don Juan en vient à la
justification de l’infidélité. Les arguments qu’il donne sont les
suivants : tout d’abord, il est injuste de priver une belle des hommages
qu’on lui doit. On ne doit pas laisser le hasard nous attacher à l’une au
détriment des autres. Toutes les beautés sont égales. Toutes ont le même droit
de nous séduire. Deuxièmement, la beauté est une force qui nous contraint. Elle
exerce sur notre sensibilité une « douce violence » que nous
subissons passivement. L’oxymore marque le caractère irrésistible de la
tentation. C’est donc la beauté, la multiplicité de la beauté, qui cause
l’inconstance. Pourquoi serait-il mauvais d’honorer la beauté chaque fois
qu’elle se présente ? Puisque nous sommes sensibles à son pouvoir, il est
naturel d’y céder. Or, céder à la beauté signifie la désirer et lui témoigner
son désir. Le problème est que la femme est double. Elle est à la fois beauté
qui subjugue et vertu qui interdit. Pour Don Juan, il est évident que la beauté
doit l’emporter. Il faut donc que l’homme vainque les résistances de la vertu
féminine. Tel est le sens du combat de Don Juan. Il est le héros, le champion
de la beauté. Son adversaire est donc ce qui résiste au désir de la beauté.
Mais que se passe-t-il un fois la beauté honorée ? Nous revenons à la
multiplicité. Il ne suffit pas de faire triompher la beauté d’une seule femme. D’ailleurs, une fois que la beauté a
gagné, une fois que la pudeur est vaincue, la preuve est faite. Il n’y a plus
rien à combattre, plus rien à démontrer avec la femme qui a suscité le désir.
Il faut donc reprendre le combat de la beauté ailleurs, avec une autre femme.
La multiplicité exige le changement. Le plaisir est le triomphe de la beauté.
Or, puisque la beauté ne se trouve pas chez une seule femme, le plaisir est
dans ce passage de l’une à l’autre, qui oblige à reprendre le combat. L’amour
est un cycle qui fait alterner vie et mort. Vie du désir et mort de la
satisfaction. Vie de la beauté désirée, mort de la beauté victorieuse.
2) Apologie du libertinage amoureux et mépris de la religion
L'amour libertin que défend Don Juan s'arrête au corps, à la beauté physique. Il n'est pas question de la beauté de l'âme. Pour l'Eglise et pour la conception platonicienne, l'amour doit s'élever au-delà des sens. Pas pour Don Juan. Son apologie de l'inconstance est scandaleuse pour un chrétien car la religion ne tolère pas l'amour charnel hors du mariage et le mariage est un sacrement qui lie les époux pour la vie. Voici ce que dit un père de l'Eglise, saint Augustin, du mariage : « Le mariage comprime dans ses élans la volupté, met une sorte de pudeur dans leur fougue et les tempère par le désir de paternité. Il se mêle, en effet, je ne sais quelle gravité aux bouillonnements de la volupté quand, au moment où l’homme et la femme s’unissent, ils songent qu’ils vont devenir père et mère » (De Bono conjugali, III, 3). Pour l'Eglise l'homme doit aimer son épouse comme la création de Dieu et la respecter, il ne doit pas chercher en elle son seul plaisir, ce serait un péché. Don Juan est donc un pécheur. Sa tirade est d'autant plus choquante pour un dévot ou une personne pieuse qu'il argumente avec allégresse comme s'il tenait des propos parfaitement innocents. On sent sa joie, celle d'un jeune homme impétueux et libre de toute morale religieuse, notamment à la fin lorsqu'il se compare à Alexandre. Il développe la métaphore du combat à propos de l'amour. Si l'amour est le combat au service de la beauté alors il faut servir la beauté partout où elle est. Cependant, un chrétien dirait que la conception de l'amour de Don Juan est trop passive. Il subit l'influence de la beauté charnelle au lieu de construire une union des âmes par une émulation au bien, à la vertu. Il ne s'agit pas du tout pour lui de devenir meilleur et de rendre l'autre meilleur par l'amour. Telle est la principale limite de sa conception libertine. L'amour pour lui n'est qu'une affection des sens et non une recherche de la vertu. On voit donc que Don Juan fait fi des valeurs chrétiennes. Il invoque une valeur mondaine (ou sociale, par opposition aux valeurs religieuses) propre à sa classe, l'aristocratie. Cette valeur très importante pour les nobles est l'honneur, elle doit guider le comportement d'un gentilhomme. C'est ainsi qu'il attaque la fidélité en disant que c'est un "faux honneur". L'autre principe auquel il se réfère est la nature : c'est un principe libertin, les libres penseurs du XVIIe opposent à Dieu la nature en disant que c'est elle qu'il faut suivre. Don Juan dit de ses assauts amoureux que ce sont "les hommages et les tributs où la nature nous oblige". Ainsi justifie-t-il son libertinage amoureux selon le principe libertin que tout ce que veut la nature est bon.
2) Apologie du libertinage amoureux et mépris de la religion
L'amour libertin que défend Don Juan s'arrête au corps, à la beauté physique. Il n'est pas question de la beauté de l'âme. Pour l'Eglise et pour la conception platonicienne, l'amour doit s'élever au-delà des sens. Pas pour Don Juan. Son apologie de l'inconstance est scandaleuse pour un chrétien car la religion ne tolère pas l'amour charnel hors du mariage et le mariage est un sacrement qui lie les époux pour la vie. Voici ce que dit un père de l'Eglise, saint Augustin, du mariage : « Le mariage comprime dans ses élans la volupté, met une sorte de pudeur dans leur fougue et les tempère par le désir de paternité. Il se mêle, en effet, je ne sais quelle gravité aux bouillonnements de la volupté quand, au moment où l’homme et la femme s’unissent, ils songent qu’ils vont devenir père et mère » (De Bono conjugali, III, 3). Pour l'Eglise l'homme doit aimer son épouse comme la création de Dieu et la respecter, il ne doit pas chercher en elle son seul plaisir, ce serait un péché. Don Juan est donc un pécheur. Sa tirade est d'autant plus choquante pour un dévot ou une personne pieuse qu'il argumente avec allégresse comme s'il tenait des propos parfaitement innocents. On sent sa joie, celle d'un jeune homme impétueux et libre de toute morale religieuse, notamment à la fin lorsqu'il se compare à Alexandre. Il développe la métaphore du combat à propos de l'amour. Si l'amour est le combat au service de la beauté alors il faut servir la beauté partout où elle est. Cependant, un chrétien dirait que la conception de l'amour de Don Juan est trop passive. Il subit l'influence de la beauté charnelle au lieu de construire une union des âmes par une émulation au bien, à la vertu. Il ne s'agit pas du tout pour lui de devenir meilleur et de rendre l'autre meilleur par l'amour. Telle est la principale limite de sa conception libertine. L'amour pour lui n'est qu'une affection des sens et non une recherche de la vertu. On voit donc que Don Juan fait fi des valeurs chrétiennes. Il invoque une valeur mondaine (ou sociale, par opposition aux valeurs religieuses) propre à sa classe, l'aristocratie. Cette valeur très importante pour les nobles est l'honneur, elle doit guider le comportement d'un gentilhomme. C'est ainsi qu'il attaque la fidélité en disant que c'est un "faux honneur". L'autre principe auquel il se réfère est la nature : c'est un principe libertin, les libres penseurs du XVIIe opposent à Dieu la nature en disant que c'est elle qu'il faut suivre. Don Juan dit de ses assauts amoureux que ce sont "les hommages et les tributs où la nature nous oblige". Ainsi justifie-t-il son libertinage amoureux selon le principe libertin que tout ce que veut la nature est bon.
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