L'Egalité : Assommons les pauvres
Baudelaire, « Assommons
les pauvres », Le Spleen de Paris, 1869.
Premier axe :
l'argumentation :
1) Il y a apparemment deux thèses : « Celui-là seul
est l'égal d'un autre, qui le prouve » et « celui-là seul est digne
de la liberté, qui sait la conquérir ».
Première thèse :
Expliquez et discutez la thèse de Baudelaire.
Cette affirmation est problématique : problème de son
sens, problème de sa vérité
égalité : similitude
égalité des droits (propriété, sécurité, liberté,
résistance à l’oppression)
égalité juridique : face à la loi
égalité politique : droit d’accéder aux mêmes emplois
publics, droit de vote
égalité sociale : égalité des chances et distinction
suivant le mérite
Si l’égalité doit être prouvée, elle n’est pas donnée à la
naissance. Elle n’est pas une relation entre des individus considérés
uniquement en tant qu’hommes et citoyens.
Elle est une relation entre des individus considérés dans
leur particularité du point de vue de la nature ou du point de vue social.
Différence de force, de capacité ou différence de condition sociale et de
fortune.
Il s’agit, selon cette phrase, d’une égalité qui doit être
reconnue par l’autre. Ce n’est donc pas l’égalité des droits que détermine la
loi. C’est une égalité entre deux individus et non entre tous les hommes, une
égalité particulière et non universelle. Si l’on met de côté l’égalité des
droits et l’égalité des chances, il reste à mesurer l’effort, le mérite,
l’utilité sociale.
Ou bien Baudelaire veut-il dire que l’égalité de droit doit
être défendue par chacun car elle est souvent menacée.
Baudelaire veut dire que l'égalité naturelle (égalité des
droits) ne suffit pas à rendre tous les hommes réellement égaux dans la
société. Pour que cette égalité de droit soit une égalité de fait, il faut que
l'individu prenne conscience de ses droits et les défende (soit par le discours
soit par les actes). Par exemple, malgré l'égalité naturelle, le peuple
français est soumis à la dictature de Napoléon III et les pauvres sont soumis
aux riches. Il faut donc que le peuple défende ses droits face au pouvoir qui
ne les reconnaît pas. Il faut que les pauvres travailleurs défendent leurs
droits face aux riches propriétaires. La loi naturelle de l'égalité ne s'impose
pas à tous les hommes (bien que ceux-ci soient raisonnables), il faut la faire
respecter par la force.
Deuxième thèse :
Il faut distinguer entre la liberté de droit (droit
naturel) et la liberté de fait (application du droit naturel dans une société).
Le droit à la liberté n'est pas toujours respecté par le pouvoir et par les
autres. Les lois d'un pays ne sont pas forcément conformes à la loi naturelle.
Il y a des lois liberticides. Il y a aussi des individus qui portent atteinte à
votre liberté. Donc chaque peuple doit conquérir sa liberté et la défendre.
Chaque individu doit faire respecter sa liberté individuelle.
Etre digne de la liberté signifie la mériter en la
conquérant. Il ne s’agit donc pas d’une liberté qui appartiendrait à tout homme
du seul fait de son humanité. Il ne s’agit pas du libre arbitre ou de la
suspension du déterminisme. Baudelaire parle-t-il ici de la liberté en tant que
pouvoir de ne se laisser déterminer par rien d’étranger à la volonté ? Il
faudrait alors que l’homme résiste à toute contrainte, qu’elle soit extérieure
ou intérieure.
Les deux thèses
peuvent se réduire à la première car l'égalité implique la liberté. En effet,
si tous les hommes ne sont pas libres alors ils ne sont pas tous égaux.
2) Quel est le
rapport entre la thèse et l'anecdote du mendiant?
Baudelaire a
l'air de faire une expérience pour prouver qu'il a raison, (comme un
"philosophe qui vérifie l'excellence de sa théorie") mais son
expérience ne prouve rien. Ce n'est pas une vérification de sa thèse, ce
n'est qu'une illustration. Ce n'est pas une vérification parce que le résultat dépend
de Baudelaire. Si le mendiant ne réplique pas, Baudelaire ne donnera pas la
moitié de sa bourse et donc ils ne seront pas égaux. Si le mendiant réplique,
Baudelaire donnera la moitié de sa bourse et donc ils seront à égalité. C'est
Baudelaire (l'expérimentateur) qui a décidé d'avance du résultat de
l'expérience. L'expérience est faussée car le sujet de l’expérimentation est en
même temps l’objet.
Rapport à
l’expérience : celle-ci ne prouve rien. Il faudrait répéter l’expérience
et déterminer toutes les conditions. S’il tombait sur un mendiant sans force
physique.
Il a créé une
situation qui correspond à sa thèse. Mais il ne peut prévoir la réaction du
mendiant et encore moins la sienne. Ici le sujet de l’expérimentation est en
même temps l’objet.
Elle indique une
égalité de droit (sécurité) puisque Baudelaire vérifie qu’aucun agent ne peut
le voir. Si l’on ne tient pas compte de cette égalité de droit, il reste une
inégalité créée par l’agression qui donne une supériorité à Baudelaire. Mais la
réplique du mendiant manifeste une égalité de volonté et de force. C’est une
égalité de fait.
Mais il y a une
inégalité de droit qui subsiste puisque le vieillard est dans son droit et non
Baudelaire.
La loi est une
preuve de l’égalité de droit entre les hommes. Quant à l’égalité sociale, elle
implique en effet que chaque homme soit distingué selon son mérite.
Deuxième axe :
Il y a une histoire et des personnages donc c'est un
récit.
Récit au passé (passé simple) avec un sommaire (quinze
jours) et une scène (rencontre du mendiant).
Ce récit est un apologue (histoire illustrant une
vérité générale, comme une fable).
La vérité c'est : Si un homme le prouve, alors il est
l'égal des autres.
Particularité de cet apologue : le désir de vérifier
cette vérité générale est ce qui fait agir le héros : c'est comme si le renard
voulait vérifier que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute.
C'est un récit
comique :
Satire des philosophes de l'époque qui traitent de
politique : § 1 et § 2 ("formules de bonne femme")
Comique de gestes avec la bagarre (hyperboles
amusantes), c'est burlesque.
Comique de mots : hyperboles, oxymore ("regard de haine (...) de bon
augure"), antiphrase ("énergique
médication" = agression), comparaison avec les cuisiniers qui
attendrissent un bifteck.
Humour : le poète se moque de lui-même : il prétend
mériter un "brevet de folie" signé par deux médecins, il vérifie prudemment
qu'il n'y a pas d'agent dans les parages, il se compare à un philosophe du
Portique (stoïcien : indifférence à la souffrance), il dit que son démon est
supérieur à celui de Socrate.
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