samedi 22 décembre 2018

sujets de commentaire (argumentation)

Dans tout texte argumentatif d'écrivain, on peut distinguer la rhétorique (les procédés de persuasion) et l'argumentation elle-même (thèse et arguments).  (Voir les procédés de l'argumentation.)

Texte C : Émile Zola, Lettre à la jeunesse, 1897.

[Engagé dans le combat pour la démonstration de l'innocence du capitaine Dreyfus, Émile Zola est bouleversé de voir des jeunes gens parmi les manifestants qui insultent avec violence Dreyfus et ses défenseurs. En réaction, l'écrivain publie le 14 décembre 1897 la Lettre à la jeunesse dont voici les derniers paragraphes.]

  Jeunesse, jeunesse ! souviens-toi des souffrances que tes pères ont endurées, des terribles batailles où ils ont dû vaincre, pour conquérir la liberté dont tu jouis à cette heure. Si tu te sens indépendante, si tu peux aller et venir à ton gré, dire dans la presse ce que tu penses, avoir une opinion et l'exprimer publiquement, c'est que tes pères ont donné de leur intelligence et de leur sang. Tu n'es pas née sous la tyrannie, tu ignores ce que c'est que de se réveiller chaque matin avec la botte d'un maître sur la poitrine, tu ne t'es pas battue pour échapper au sabre du dictateur, aux poids faux du mauvais juge. Remercie tes pères, et ne commets pas le crime d'acclamer le mensonge, de faire campagne avec la force brutale, l'intolérance des fanatiques et la voracité des ambitieux. La dictature est au bout.
  Jeunesse, jeunesse ! sois toujours avec la justice. Si l'idée de justice s'obscurcissait en toi, tu irais à tous les périls. Et je ne te parle pas de la justice de nos Codes, qui n'est que la garantie des liens sociaux. Certes, il faut la respecter, mais il est une notion plus haute, la justice, celle qui pose en principe que tout jugement des hommes est faillible et qui admet l'innocence possible d'un condamné1, sans croire insulter les juges. N'est-ce donc pas là une aventure qui doive soulever ton enflammée passion du droit ? Qui se lèvera pour exiger que justice soit faite, si ce n'est toi qui n'es pas dans nos luttes d'intérêts et de personnes, qui n'es encore engagée ni compromise dans aucune affaire louche, qui peux parler haut, en toute pureté et en toute bonne foi ?
  Jeunesse, jeunesse ! sois humaine, sois généreuse. Si même nous nous trompons, sois avec nous, lorsque nous disons qu'un innocent subit une peine effroyable, et que notre cœur révolté s'en brise d'angoisse. Que l'on admette un seul instant l'erreur possible, en face d'un châtiment à ce point démesuré, et la poitrine se serre, les larmes coulent des yeux. Certes, les garde-chiourmes2 restent insensibles, mais toi, toi, qui pleures encore, qui dois être acquise à toutes les misères, à toutes les pitiés ! Comment ne fais-tu pas ce rêve chevaleresque, s'il est quelque part un martyr succombant sous la haine, de défendre sa cause et de le délivrer ? Qui donc, si ce n'est toi, tentera la sublime aventure, se lancera dans une cause dangereuse, et superbe, tiendra tête à un peuple, au nom de l'idéale justice ? Et n'es-tu pas honteuse, enfin, que ce soient des aînés, des vieux, qui se passionnent, qui fassent aujourd'hui ta besogne de généreuse folie ?
  Où allez-vous, jeunes gens, où allez-vous, étudiants, qui battez les rues, manifestant, jetant au milieu de nos discordes la bravoure et l'espoir de vos vingt ans ?
  — Nous allons à l'humanité, à la vérité, à la justice !

1. L'innocence possible d'un condamné : le capitaine Dreyfus fut condamné injustement au bagne pour espionnage en 1894.
2. Garde-chiourmes : gardiens de bagnards ou de prisonniers. 


Texte A : FÉNELON, « Le chat et les lapins », Fables et opuscules pédagogiques, 1718 (édition posthume).

[Fénelon (1651-1715) a composé des fables destinées à l’éducation du jeune duc de Bourgogne, né en 1682, petit-fils de Louis XIV.]

LE CHAT ET LES LAPINS

 Un chat, qui faisait le modeste, était entré dans une garenne1 peuplée de lapins. Aussitôt toute la république alarmée ne songea qu’à s’enfoncer dans ses trous. Comme le nouveau venu était au guet auprès d’un terrier, les députés de la nation lapine, qui avaient vu ses terribles griffes, comparurent dans l’endroit le plus étroit de l’entrée du terrier, pour lui demander ce qu’il prétendait. Il protesta d’une voix douce qu’il voulait seulement étudier les mœurs de la nation, qu’en qualité de philosophe il allait dans tous les pays pour s’informer des coutumes de chaque espèce d’animaux. Les députés, simples et crédules, retournèrent dire à leurs frères que cet étranger, si vénérable par son maintien modeste et par sa majestueuse fourrure, était un philosophe, sobre, désintéressé, pacifique, qui voulait seulement rechercher la sagesse de pays en pays, qu’il venait de beaucoup d’autres lieux où il avait vu de grandes merveilles, qu’il y aurait bien du plaisir à l’entendre, et qu’il n’avait garde de croquer les lapins, puisqu’il croyait en bon Bramin2 la métempsycose3, et ne mangeait d’aucun aliment qui eût eu vie. Ce beau discours toucha l’assemblée. En vain un vieux lapin rusé, qui était le docteur4 de la troupe, représenta combien ce grave philosophe lui était suspect : malgré lui on va saluer le Bramin, qui étrangla du premier salut sept ou huit de ces pauvres gens. Les autres regaignent5 leurs trous, bien effrayés et bien honteux de leur faute. Alors dom Mitis6 revint à l’entrée du terrier, protestant, d’un ton plein de cordialité, qu’il n’avait fait ce meurtre que malgré lui, pour son pressant besoin, que désormais il vivrait d’autres animaux et ferait avec eux une alliance éternelle. Aussitôt les lapins entrent en négociation avec lui, sans se mettre néanmoins à la portée de sa griffe. La négociation dure, on l’amuse7. Cependant un lapin des plus agiles sort par les derrières du terrier, et va avertir un berger voisin, qui aimait à prendre dans un lacs8 de ces lapins nourris de genièvre. Le berger, irrité contre ce chat exterminateur d’un peuple si utile, accourt au terrier avec un arc et des flèches. Il aperçoit le chat qui n’était attentif qu’à sa proie. Il le perce d’une de ses flèches, et le chat expirant dit ces dernières paroles : « Quand on a une fois trompé, on ne peut plus être cru de personne ; on est haï, craint, détesté, et on est enfin attrapé par ses propres finesses. » [...]

1. Garenne : endroit où l’on élève des lapins, ou terrain où était réservé un droit de chasse.
2. Bramin : nom que l’on donne aux prêtres chez les Hindous.
3. Croire la métempsycose : croire en la réincarnation de l’âme après la mort dans un corps humain ou animal.
4. Docteur : savant.
5. Regaignent : regagnent.
6. Mitis : nom souvent donné aux chats dans les fables.
7. On l’amuse : on fait durer la négociation.
8. Lacs : corde dont le nœud sert à piéger le gibier.


Texte D : Albert Camus, Noces à Tipasa (Noces).

[Le narrateur se promène au milieu du site antique de Tipasa.]

 Que d'heures passées à écraser les absinthes1, à caresser les ruines, à tenter d'accorder ma respiration aux soupirs tumultueux du monde ! Enfoncé parmi les odeurs sauvages et les concerts d'insectes somnolents, j'ouvre les yeux et mon cœur à la grandeur insoutenable de ce ciel gorgé de chaleur. Ce n'est pas si facile de devenir ce qu'on est, de retrouver sa mesure profonde. Mais à regarder l'échine solide du Chenoua2, mon cœur se calmait d'une étrange certitude. J'apprenais à respirer, je m'intégrais et je m'accomplissais. Je gravissais l'un après l'autre des coteaux dont chacun me réservait une récompense, comme ce temple dont les colonnes mesurent la course du soleil et d'où l'on voit le village entier, ses murs blancs et roses et ses vérandas vertes. Comme aussi cette basilique sur la colline Est : elle a gardé ses murs et dans un grand rayon autour d'elle s'alignent des sarcophages exhumés, pour la plupart à peine issus de la terre dont ils participent encore. Ils ont contenu des morts; pour le moment il y pousse des sauges et des ravenelles. La basilique Sainte-Salsa est chrétienne, mais à chaque fois qu'on regarde par une ouverture, c'est la mélodie du monde qui parvient jusqu'à nous: coteaux plantés de pins et de cyprès, ou bien la mer qui roule ses chiens blancs à une vingtaine de mètres. La colline qui supporte Sainte-Salsa est plate à son sommet et le vent souffle plus largement à travers les portiques. Sous le soleil du matin, un grand bonheur se balance dans l'espace..

1. Plante odorante.
2. Massif montagneux au nord de l'Algérie.


Texte C : Voltaire, Dictionnaire philosophique, article « BÊTES » (1764).

[Voltaire s’attaque dans cet article à la théorie élaborée par Descartes selon laquelle les animaux sont des « machines ».]

BÊTES.

  Quelle pitié, quelle pauvreté, d’avoir dit que les bêtes sont des machines privées de connaissance et de sentiment, qui font toujours leurs opérations de la même manière, qui n’apprennent rien, ne perfectionnent rien, etc. !
  Quoi ! cet oiseau qui fait son nid en demi-cercle quand il l’attache à un mur, qui le bâtit en quart de cercle quand il est dans un angle, et en cercle sur un arbre ; cet oiseau fait tout de la même façon ? Ce chien de chasse que tu as discipliné pendant trois mois n’en sait-il pas plus au bout de ce temps qu’il n’en savait avant les leçons ? Le serin1 à qui tu apprends un air le répète-t-il dans l’instant ? n’emploies-tu pas un temps considérable à l’enseigner ? n’as-tu pas vu qu’il se méprend et qu’il se corrige ?
  Est-ce parce que je te parle que tu juges que j’ai du sentiment, de la mémoire, des idées ? Eh bien ! je ne te parle pas ; tu me vois entrer chez moi l’air affligé, chercher un papier avec inquiétude, ouvrir le bureau où je me souviens de l’avoir enfermé, le trouver, le lire avec joie. Tu juges que j’ai éprouvé le sentiment de l’affliction et celui du plaisir, que j’ai de la mémoire et de la connaissance.
  Porte donc le même jugement sur ce chien qui a perdu son maître, qui l’a cherché dans tous les chemins avec des cris douloureux, qui entre dans la maison, agité, inquiet, qui descend, qui monte, qui va de chambre en chambre, qui trouve enfin dans son cabinet le maître qu’il aime, et qui lui témoigne sa joie par la douceur de ses cris, par ses sauts, par ses caresses.
  Des barbares saisissent ce chien, qui l’emporte si prodigieusement sur l’homme en amitié ; ils le clouent sur une table, et ils le dissèquent vivant pour te montrer les veines mésaraïques2. Tu découvres dans lui tous les mêmes organes de sentiment qui sont dans toi. Réponds-moi, machiniste, la nature a-t-elle arrangé tous les ressorts du sentiment dans cet animal, afin qu’il ne sente pas ? a-t-il des nerfs pour être impassible ? Ne suppose point cette impertinente contradiction dans la nature.

1 Serin : petit oiseau dont le chant est fort agréable, et auquel on apprend à siffler, à chanter des airs.
2 Veine mésaraïque : veine qui recueille le sang du gros intestin.


Argumentation de Voltaire :
Thèse de Descartes :
Argument cartésien : (syllogisme)
Négation de la thèse de Descartes = thèse de Voltaire
Argument de Voltaire : (syllogismes) 
Combien y a-t-il de thèses ?

Introduction du commentaire du texte de Voltaire :

Voltaire est un écrivain français du XVIIIe siècle. Il appartient au mouvement des Lumières, courant d'émancipation vis à vis de l'influence religieuse. Il est notamment l'auteur de contes philosophiques tels que Candide et Zadig. Il collabora à l'Encyclopédie. Il publie en 1764 un ouvrage intitulé Dictionnaire philosophique dont le texte que nous allons commenter est extrait. Ce texte est un article intitulé « Bêtes » et consacré aux animaux. On s'attendrait à trouver dans cet article une définition et une synthèse des connaissances sur l'animal. Or ce n'est pas le cas. En fait, dans cet article, il s'attaque à une théorie particulière sur l'animal et à une de ses conséquences. Donc il prend parti contre la thèse cartésienne des animaux machines. Il s'agit donc d'un texte argumentatif et polémique et non d'un article purement didactique. Etant donné que tout texte argumentatif défend une thèse, nous pouvons nous poser la question suivante : comment Voltaire s'efforce-t-il de convaincre ou de persuader le lecteur ? Tout d'abord, nous verrons que ce texte contient une argumentation souvent implicite mais rigoureuse. Ensuite, nous étudierons les procédés qu'il utilise pour faire appel aux sentiments du lecteur.

vendredi 21 décembre 2018

Commentaire : développement rédigé

On s'intéressera d'abord à la tonalité de ce poème. Une légèreté un peu folâtre et futile, telle nous semble être l'impression dominante que ces vers communiquent. Elle est produite à la fois par l'harmonie des vers et par le souvenir qu'ils évoquent. Il s'agit d'un souvenir de jeunesse. Deux arguments permettent de le penser. D'une part, le poète confie : "En ce temps-là, j'étais crédule". Or la naïveté est généralement associée à la jeunesse. De plus, l'emploi de l'imparfait et le complément circonstanciel nous renvoient à une époque révolue. D'autre part, dans les deux premiers huitains, le poète retrace brièvement des amusements nocturnes dont les jeunes gens sont coutumiers. Le mot "bande" et la répétition anaphorique de l’indéfini ("on") font inévitablement songer à ces escapades dans des lieux de plaisir où la camaraderie renforce l'allégresse. Il est notable que le "je" n'apparaisse pas dans ces strophes tant l'individu se fond dans le groupe. Le caractère folâtre de l'évocation émane de la fête. Tout est fait pour le divertissement : la "danse", le "vin doux", qui laisse "vaguement gris", la touche d'exotisme donnée par les "bohémiens", la douceur d'un "mois d'août", les "fleurs plein les charrettes" et le soupçon de canaillerie qui affleure dans les "bas quartiers". Il s'agit de faire la fête, c'est-à-dire de dépenser son temps, ses forces, l'exubérance de la jeunesse et son argent. "La belle jeunesse s'use" et l'on "revient (...) sans un sou". La joie brûle les heures qui s'envolent légères : "On n'a pas le temps de le croire" que la nuit est déjà finie. Mais dans cet amusement somme toute banal, puisque répété comme l'indique le présent à valeur itérative, semble se dessiner quelque chose de moins futile, une rencontre, une "promission". Quelque événement marquant comme le "destin dans la paume écrit". Cette fois, le poète s'individualise, il sort du groupe, sa volonté s'affirme en un geste qui paraît décisif : "J'ai pris, dit-il, la main d'une éphémère". Sous l'adjectif substantivé ou sous la métaphore d'un charmant insecte, apparaît la femme, celle qui donne son titre au poème. On retrouve dans sa rencontre la même facilité que dans la fête, la même fluidité dans son corps : "Elle avait la marche légère". Tout est facile dès le début du poème et par la suite, l'escapade, l'amusement et la fille. Facile comme la chute de la "robe" qui "tomb(e) tout de suite". Tout va "vite vite" comme les paroles de l'étrangère. Cette facilité, le jeune homme y voit une "promission". Sa naïveté transfigure la banalité sans lendemain en "éternelle poésie". Mais cette naïveté est décevante, finalement vaine, car si l'on mise "son âme" ce n'est au fond qu'un jeu" : "Nous avions joué (...) / Un long jour, une courte nuit". La femme n'était qu'une "campanule" commune que le poète a pris pour une "fleur" exotique, symbole de la "passion" amoureuse. On se croyait au ciel, on est sur terre, les valeurs se renversent comme le jour et la nuit : "au matin : "Bonsoir madame", dit le poète avec humour. Car au fond tout cela est insignifiant, d'une grâce futile comme la grâce des beaux octosyllabes aux rimes croisées. Vers fluides, dont la ponctuation est presque absente, phrases qui glissent entraînées par des anaphores ou des coordonnants. Telle est l'impression, la tonalité que nous laissent ces vers, légers comme une caresse, et cette rencontre trop facile pour durer. A croire que le poète ne s'est enchanté d'un souvenir de jeunesse que pour suggérer la vacuité, l'espèce de légèreté, "insoutenable" dirait Kundera, qui transparaît sous le charme. 
Voyons maintenant comment le poète se peint lui-même dans ces vers du Roman inachevéIl emploie la première personne du singulier et donne donc une image de lui-même. L’image peut être celle qu’a le poète et celle que se fait le lecteur. Il peut y avoir une différence. En effet, le lecteur peut juger le poète léger, inconstant ou libertin, ce que Louis Aragon ne pensait peut-être pas de lui-même en écrivant. Voyons quels sont les éléments de son autoportrait. Dans les premières strophes (vers 5-16), Aragon se désigne par le pronom indéfini. Il fait partie d’une bande de jeunes fêtards. Puis il apparaît seul, lors d’une rencontre brève avec la bohémienne. Il est attiré par cette femme car, nous dit-il, dès l’enfance il « aimai(t) déjà les étrangères ». Il entraîne chez lui une « éphémère », c’est-à-dire une femme dont il veut jouir l’espace d’un jour seulement. Son désir le fait agir avec empressement : « Sa robe tomba tout de suite / Quand ma hâte la délia ». Nous avons donc là l’image d’un jeune homme avide et sensuel qui ne perd pas de temps et prend une femme pour un plaisir sans lendemain. Jusque-là, Aragon apparaît comme un viveur qui semble ne chercher que le plaisir des sens. Cependant, dans les vers suivants (29-36), l’image du jeune homme se modifie légèrement. En effet, le poète juge qu’il était « crédule » et que son imagination transfigurait la réalité : « je prenais les campanules / Pour les Fleurs de la Passion ». Il semble donc qu’il voyait dans cette femme beaucoup plus que ce qu’elle n’était. Il semble aussi que son imagination lui donnait des espérances excessives : « Un mot m’était promission ». En d’autres termes, il juge à présent qu’il surestimait la réalité. On peut donc penser qu’il n’était pas en fait simplement un viveur avide de sensations éphémères mais un enthousiaste qui cherchait un idéal. Cette interprétation semble confirmée par les vers 35 et 36. En effet, il affirme, cette fois au présent, qu’il a toujours magnifié le réel ordinaire. Donc cette femme, une « campanule » assez quelconque excepté les yeux bleus et les « jambes de faon », il la surestimait. Donc ce jeune homme ne se contentait pas de plaisirs vulgaires et d’une jouissance sans poésie. Il s’imaginait en Roméo face à Juliette. Ainsi, nous voyons une certaine ambiguïté dans l’image du poète. Entre le noceur sans âme qui prend congé d’un « bonsoir Madame » plutôt froid et l’exalté qui magnifie tout, il y a une divergence. Qu’en conclure ? Le lecteur pourrait finalement simplifier cette diversité en pensant : le jeune homme était sensuel et enthousiaste mais ses emballements n’étaient que feux de paille. En somme, une sorte de Roméo pour qui « A chaque fois tout recommence », un Roméo faible et léger, inconstant comme un libertin. En outre, une autre ambiguïté apparaît : celle du jeu des temps. Le présent des vers 33 à 36 vaut-il seulement pour le jeune homme ou aussi pour l’homme mûr qui compose ce poème ? Il est difficile de conclure avec certitude sur ces trois points : le jeune homme était-il plus noceur que passionné ? Aragon a-t-il à l’esprit cette image d’un Roméo de pacotille ? Le poète est-il demeuré cet enthousiaste qui transfigure l’ordinaire ? Cette incertitude nous amène à penser que l’image du poète est équivoque, sinon contradictoire.

mercredi 19 décembre 2018

Expression des liens logiques

1) Concession ou opposition indirecte : certes, je regarde parfois des émissions stupides mais cela n’affecte pas mon intelligence.
Effectivement, je regarde...
Il est vrai que je regarde...
Quoique je regarde des émissions..., mon intelligence n’en est pas diminuée.
Bien que je regarde...
J’admets que je regarde...
Je regarde parfois des émissions stupides pourtant... (toutefois, néanmoins, cependant)
J’ai beau regarder des émissions...
2) Opposition directe :
Rousseau pense que l’homme est naturellement bon tandis que Hobbes pense que l’homme est un loup pour l’homme.
... alors que Hobbes pense que...
... au contraire, Hobbes pense que... (en revanche)
... mais Hobbes pense que...
3) Cause :
Le chômage se maintient parce que la productivité augmente.
... à cause de l’augmentation de la productivité.
... car la productivité...
... en raison de l’augmentation...
... du fait que la productivité... (étant donné que, vu que)
4) Conséquence :
La productivité augmente de sorte que le chômage se maintient. (si bien que)
... aussi le chômage se maintient-il. (ainsi)
La productivité augmente, c’est pourquoi... (par conséquent, donc)
5) Preuve :
L’Art est nécessaire puisqu’il existe dans toute société.
... en effet, il existe dans toute...
... la preuve en est qu’il...
... j’en veux pour preuve qu’il...
6) Addition :
La prison ne favorise pas le remords. En outre, elle ne facilite pas la réinsertion.
De plus, elle ne facilite...
De surcroît, elle...
7) Condition ou hypothèse :
Si sa politique économique porte ses fruits, le président sera réélu.
Pour peu que sa politique réussisse... (à condition que)
Au cas où sa politique réussirait...
Si tant est que sa politique réussisse...
Que sa politique réussisse et le président...



1) Reliez les phrases suivantes par des mots de liaison et indiquez le lien logique :
1) Vous êtes un grand seigneur. Vous vous croyez un grand génie.
2) Les USA sont lourdement endettés. Ils trouvent encore facilement des prêteurs.
3) Supposons que l’individu n’agit pas librement. En ce cas il ne peut être jugé responsable.
4) L’offre immobilière se raréfie. Les taux d’intérêt ont baissé. Le prix du mètre carré augmente.
5) Une peine dissuasive diminue la criminalité. L’abolition de la peine de mort n’a pas entraîné une augmentation des crimes. La peine capitale n’est pas dissuasive.
6) Spinoza pense que les hommes ne sont pas libres. Descartes, lui, pense que l’homme est d’autant plus libre qu’il sait ce qui est bien.
7) Il n’y a pas de comique en dehors de ce qui est humain. Un paysage n’est jamais risible. On rit d’un animal seulement s’il ressemble à l’homme.
8) La Chine est le pays le plus peuplé du monde. Sa croissance économique est forte. Elle attire les entreprises américaines et européennes. 

2) 
1. Indiquez le lien logique entre les propositions indépendantes.
2. Transformez-les en propositions dépendantes. 

1. On dispose d’un grand choix de thèmes, ainsi on peut varier ses lectures autant que l’on veut.
2. Horace ne peut souffrir que sa sœur maudisse Rome, en effet rien n’est plus sacré pour lui que sa cité.
3. Le Vieil Horace a déjà perdu deux de ses fils, c’est pourquoi il suscite la pitié.
4. Rome est en guerre contre Albe depuis fort longtemps, donc il faut trouver une solution pour mettre un terme au conflit.
5. Les spectateurs s’attendent à voir un marquis, alors il faut qu’il joue le personnage.
6. La sagesse s’acquiert par l’instruction or pour l’acquérir, il faut la volonté d’apprendre.
7. La culture est soi-disant accessible à tous, en fait il y a une grande inégalité face à la culture, très peu de gens vont au musée ou au théâtre.
8. Le théâtre a donc d’incontestables atouts, cependant le cinéma en a beaucoup, lui aussi.
9. Le mage crée des illusions avec des charmes, donc le père d’Alcandre peut voir son fils.
10. Tout le monde n’a pas autant de repartie et d’esprit que Dorine, en effet on est souvent pris au dépourvu quand quelqu’un nous agresse.
11. Le procureur affirme que Meursault a prémédité son meurtre, or on sent bien qu’il est innocent, c’est à cause du soleil qu’il a tué l’homme.
12 D’abord, dans ce passage, l’atmosphère est calme car le vent est tombé, aussi on remarque que les personnages ne s’adressent plus la parole, cela renforce l’impression de silence et de calme.

vendredi 14 décembre 2018

La Chambre double

Fiche bac français : La chambre double
"Dans certains états de l’âme presque surnaturels, la profondeur de la vie se révèle tout entière dans le spectacle, si ordinaire qu’il soit, qu’on a sous les yeux. Il en devient le Symbole." Baudelaire, Fusées.

I : Introduction
- Charles Baudelaire : poète Fr du 19ème siècle
- Auteur des Fleurs du mal (recueil de poèmes en vers)
- vie de bohème (vie instable, qui n’est pas conforme aux normes sociales
- endetté
- publication du Spleen de Paris en 1869
- partage un peu de sa vie avec Jeanne Duval (une actrice)
- post-romantisme (écrit ces textes à la fin du romantisme)

- Spleen de Paris, 50 poèmes en prose et 1 poème en vers (l’épilogue, le dernier poème du livre)
- poèmes sur la vie parisienne au temps de Baudelaire
- Spleen de Paris = quotidien = ennui donc la vie à Paris est ennuyeuse mais aussi partout dans le monde (ex : le poème "Anywhere out of the world")
- Baudelaire s’est inspiré de Gaspard de la nuit d’Aloysius Bertrand (premier recueil de poèmes en prose)
- Gaspard de la nuit = vie au moyen-âge, Spleen de Paris = vie moderne au temps de Baudelaire

- chambre double = poème 5 du livre, c’est un poème qui a paru dans un journal du vivant du Baudelaire

- Comment le poème développe-t-il un oxymore ?
A : L’idéal
B : Le Spleen
II : Développement
A : l’idéal
- poème en 2 parties (1er « du début » à « éternité de délices »), (2ème « Mais un coup terrible » à « la fin »)
- 1ere partie : rêverie dans la chambre = « l’extase »
- 2ème partie : la chambre réelle = « l’horreur de la vie »
- Citons  Mon Cœur mis à nu : « Tout enfant, j'ai senti dans mon cœur deux sentiments contradictoires : l'horreur de la vie et l'extase de la vie. »
- pas de transition entre les deux parties (passage brutal)
- oxymore entre rêve et réalité, la même chose est vue entre le jour et la nuit (beau vs moche)
- chambre idéale = chambre pour rêver, cette activité est essentielle pour Baudelaire car il se prépare à la création de choses impossibles = chambre idéale adaptée à la rêverie
- Pour rêver il faut :
- du vague : (paragraphe 4) il ne faut pas qu’il y est « abomination artistique » pour ne pas fixer l’attention,  (paragraphe 2) « bleuâtre et rosâtre » sont des couleurs vagues
- le mobilier ne doit pas être « dur » : (paragraphe 3) correspondance entre l’état d'âme du poète et le décor, dans ce paragraphe le poète rêve et le mobilier prend un aspect fantastique
- meuble = créature vivante
- établir des correspondances est un procédé typiquement baudelairien
- de la chaleur : il ne faut pas un parfum désagréable pour ne pas évoquer de mauvais souvenirs
- une idole : pour Baudelaire l’idole est la Femme avant un grand « F »
- majuscule à « Idole » signifie que la femme est unique
- la femme comme la chambre a un aspect double, 1er : elle est très belle et merveilleuse, 2ème : elle a des yeux d’une malice effrayante
- oxymore « étoile noire », elle est à la fois lumière et ténèbres, être ambigu
- le temps : dans cette chambre le temps ne passe pas, pas d’horloge car le temps donne des obligations, pour Baudelaire : temps = esclavage, citons (« Ô douleur! Ô douleur! Le Temps mange la vie » Fleurs du mal)

B : Le Spleen
- Spleen = dégoût de la vie
- 1er mot : mais = opposition
- on sort du rêve brutalement
- énumération de 3 personnages qui frappent à la porte
- Baudelaire fait un sommaire dans ce paragraphe (résume plusieurs actions qui se passent à des moments différents
- 1er perso : l’huissier
- 2ème perso : la concubine
- 3ème perso : le coursier
- Baudelaire résume ces trois perso avec le mot spectre = registre fantastique
- utilisation de cette métaphore car ces 3 perso lui font peur, il bascule dans l’horreur
- Sylphide = créature mythologique = divinité féminine ce qui accentue l’aspect fantastique
- Sylphide mot utilisé par Chateaubriand, Baudelaire fait allusion à lui avec « le grand René »
- Symétrie des deux parties de ce poème :
- la description est très présente
- aspect général de la chambre avec les meubles = sots (hypallage)
- l’odeur
- la femme = laudanum
- personnification du laudanum « une vieille et terrible amie », Baudelaire est malade depuis des années de la syphilis, pour se soigner il utilise cette fiole  (laudanum)
- Les 4 derniers paragraphes = le temps, il cite son ennemi « Ô douleur! Ô douleur! Le Temps mange la vie » (Fleurs du mal)

III : Conclusion
- transfiguration de la réalité
- rêverie d’un poète = transfigure la réalité
- l’intervention de l’un de ces 3 perso provoque l’arrêt du rêve et donc la chute dans la réalité
- 3 perso désagréables pour Baudelaire
- concubine = demande d'argent
- huissier = saisir des biens
- livreur = demander l’article qu’il doit terminer
- poème = extase // horreur
- émerveillement de la vie et dégoûté de la vie
- les 2 parties sont construites de la même manière (symétrie)
- Aspect général, mobilier, odeur, femme, temps


samedi 1 décembre 2018

Platon : sur les poètes

Voici ce qu'écrit Platon (428-348 av. J-C) à propos des poètes dans l'Apologie de Socrate :

« … J’allai aux poètes, tant à ceux qui font des tragédies qu’aux poètes dithyrambiques et autres, ne doutant point que je ne me prisse là en flagrant délit, en me trouvant beaucoup plus ignorant qu’eux. Là, prenant ceux de leurs ouvrages qui me paraissaient les plus travaillés, je leur demandais ce qu’ils voulaient dire et quel était leur dessein, comme pour m’instruire moi-même. J’ai honte, Athéniens, de vous dire la vérité, mais il faut pourtant vous la dire : il n’y avait pas un seul des hommes qui étaient là présents qui ne fût plus capable de parler et de rendre raison de leurs poèmes qu’eux-mêmes qui les avaient faits. Je connus tout de suite que les poètes ne sont point guidés par la sagesse, mais par certains mouvements de la nature et par un enthousiasme semblable à celui des prophètes et des devins, qui disent de fort belles choses sans rien comprendre à ce qu’ils disent. Les poètes me parurent dans le même cas et je m’aperçus en même temps qu’à cause de leur faculté poétique, ils se croyaient les plus sages des hommes dans toutes les autres choses, bien qu’ils n’y entendissent rien. »

L'enthousiasme dont parle Platon est une possession. Le poète est habité par le dieu. C'est ce qu'on appelle l'inspiration. Platon considère le poète comme une sorte de medium qui transmet une inspiration divine sans pouvoir l'expliquer. Il est comme un porteur de message qui ne comprendrait pas le message qu'il délivre. 
Cette conception de l'inspiration ne laisse guère de chance de succès à la "quête du sens" dont parle le programme de l'EAF. On peut la rapprocher de l'expérience surréaliste de l'écriture automatique. A cette conception s'oppose la vision de poètes comme Edgar Poe ou Paul Valéry. Vous pouvez voir dans "Genèse d'un poème" de Poe que le poème fameux "The Raven" n'est pas, selon lui, le fruit de l'inspiration, mais de la volonté et du travail. De même, Valéry écrit dans Variété (1924) : "L'enthousiasme n'est pas un état d'âme d'écrivain." Il ajoute : "Les dieux, gracieusement, nous donnent pour rien tel premier vers; mais c'est à nous de façonner le second, qui doit consonner avec l'autre, et ne pas être indigne de son aîné surnaturel. Ce n'est pas trop de toutes les ressources de l'expérience et de l'esprit pour le rendre comparable au vers qui fut un don."