« Assommons les pauvres » :
Premier axe : l'argumentation :
1) Il y a apparemment deux thèses :
« Celui-là seul est l'égal d'un autre, qui le prouve » et
« celui-là seul est digne de la liberté, qui sait la conquérir ».
Première thèse :
Baudelaire veut dire que l'égalité
naturelle (égalité des droits) ne suffit pas à rendre tous les hommes
réellement égaux dans la société. Pour que cette égalité de droit soit une
égalité de fait, il faut que l'individu prenne conscience de ses droits et les
défende (soit par le discours soit par les actes). Par exemple, malgré
l'égalité naturelle, le peuple français est soumis à la dictature de Napoléon
III et les pauvres sont soumis aux riches. Il faut donc que le peuple défende
ses droits face au pouvoir qui ne les reconnaît pas. Il faut que les pauvres
travailleurs défendent leurs droits face aux riches propriétaires. La loi
naturelle de l'égalité ne s'impose pas à tous les hommes (bien que ceux-ci
soient raisonnables), il faut la faire respecter par la force.
Deuxième thèse :
Il faut distinguer entre la liberté de
droit (droit naturel) et la liberté de fait (application du droit naturel dans
une société). Le droit à la liberté n'est pas toujours respecté par le pouvoir
et par les autres. Les lois d'un pays ne sont pas forcément conformes à la loi
naturelle. Il y a des lois liberticides. Il y a aussi des individus qui portent
atteinte à votre liberté. Donc chaque peuple doit conquérir sa liberté et la
défendre. Chaque individu doit faire respecter sa liberté individuelle.
Les deux thèses peuvent se réduire à la première car
l'égalité implique la liberté. En effet, si tous les hommes ne sont pas libres
alors ils ne sont pas tous égaux.
2) Quel est le rapport entre la thèse et l'anecdote du
mendiant?
Baudelaire a l'air de faire une expérience pour
prouver qu'il a raison, (comme un "philosophe qui vérifie l'excellence de
sa théorie") mais son expérience ne prouve rien. Ce n'est pas une vérification
de sa thèse, ce n'est qu'une illustration. Ce n'est pas une vérification parce
que le résultat dépend de Baudelaire. Si le mendiant ne réplique pas,
Baudelaire ne donnera pas la moitié de sa bourse et donc ils ne seront pas
égaux. Si le mendiant réplique, Baudelaire donnera la moitié de sa bourse et
donc ils seront à égalité. C'est Baudelaire (l'expérimentateur) qui a décidé
d'avance du résultat de l'expérience. L'expérience est faussée car le sujet de
l’expérimentation est en même temps l’objet.
« Celui-là seul est l'égal d'un
autre, qui le prouve »
Expliquez et discutez la thèse de
Baudelaire.
Cette affirmation est problématique :
problème de son sens, problème de sa vérité
égalité : similitude
égalité des droits (propriété, sécurité,
liberté, résistance à l’oppression)
égalité juridique : face à la loi
égalité politique : droit d’accéder
aux mêmes emplois publics, droit de vote
égalité sociale : égalité des chances
et distinction suivant le mérite
Si l’égalité doit être prouvée, elle n’est
pas donnée à la naissance. Elle n’est pas une relation entre des individus
considérés uniquement en tant qu’hommes et citoyens.
Elle est une relation entre des individus
considérés dans leur particularité du point de vue de la nature ou du point de
vue social. Différence de force, de capacité ou différence de condition sociale
et de fortune.
Il s’agit, selon cette phrase, d’une
égalité qui doit être reconnue par l’autre. Ce n’est donc pas l’égalité des
droits que détermine la loi. C’est une égalité entre deux individus et non
entre tous les hommes, une égalité particulière et non universelle. Si l’on met
de côté l’égalité des droits et l’égalité des chances, il reste à mesurer
l’effort, le mérite, l’utilité sociale.
Ou bien Baudelaire veut-il dire que
l’égalité de droit doit être défendue par chacun car elle est souvent menacée.
Il écrit ce poème après le coup d’état de Napoléon III et la proclamation de
l’Empire. Il est déçu par la passivité du peuple qui ne s’est pas opposé à
Napoléon III.
« celui-là seul est digne de la
liberté, qui sait la conquérir »
Etre digne de la liberté signifie la
mériter en la conquérant. Il ne s’agit donc pas d’une liberté qui
appartiendrait à tout homme du seul fait de son humanité. Il ne s’agit pas du
libre arbitre ou de la suspension du déterminisme. Baudelaire parle-t-il ici de
la liberté en tant que pouvoir de ne se laisser déterminer par rien d’étranger
à la volonté ? Il faudrait alors que l’homme résiste à toute contrainte,
qu’elle soit extérieure ou intérieure.
Rapport à l’expérience : celle-ci ne prouve rien.
Il faudrait répéter l’expérience et déterminer toutes les conditions. S’il
tombait sur un mendiant sans force physique.
Il a créé une situation qui correspond à sa thèse.
Mais il ne peut prévoir la réaction du mendiant et encore moins la sienne. Ici
le sujet de l’expérimentation est en même temps l’objet.
Elle indique une égalité de droit (sécurité) puisque
Baudelaire vérifie qu’aucun agent ne peut le voir. Si l’on ne tient pas compte
de cette égalité de droit, il reste une inégalité créée par l’agression qui
donne une supériorité à Baudelaire. Mais la réplique du mendiant manifeste une
égalité de volonté et de force. C’est une égalité de fait.
Mais il y a une inégalité de droit qui subsiste
puisque le vieillard est dans son droit et non Baudelaire.
La loi est une preuve de l’égalité de droit entre les
hommes. Quant à l’égalité sociale, elle implique en effet que chaque homme soit
distingué selon son mérite.
Deuxième axe :
Il y a une histoire et des personnages donc c'est un
récit.
Récit au passé (passé simple) avec un sommaire
(quinze jours) et une scène (rencontre du mendiant).
Ce récit est un apologue (histoire illustrant une vérité
générale, comme une fable).
La vérité c'est : Si un homme le prouve, alors il
est l'égal des autres.
Particularité de cet apologue : le désir de vérifier
cette vérité générale est ce qui fait agir le héros : c'est comme si le renard
voulait vérifier que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute.
C'est un récit comique :
Satire des philosophes de l'époque qui traitent de
politique : § 1 et § 2 ("formules de bonne femme")
Comique de gestes avec la bagarre (hyperboles
amusantes), c'est burlesque.
Comique de mots : hyperboles, oxymore ("regard
de haine (...) de bon augure"), antiphrase ("énergique
médication" = agression), comparaison avec les cuisiniers qui
attendrissent un bifteck.
Humour : le poète se moque de lui-même : il prétend mériter
un "brevet de folie" signé par deux médecins (Lélut et Baillarger), il vérifie prudemment
qu'il n'y a pas d'agent dans les parages, il se compare à un philosophe du
Portique (stoïcien : indifférence à la souffrance), il dit que son démon est
supérieur à celui de Socrate.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire