Commentaire de
texte : Dom Juan Acte V Scène II
INTRODUCTION :
Dom Juan est une
tragi-comédie de Molière, jouée pour la première fois au théâtre,
au Palais Royal, le 15 février 1665. La pièce est représentée 15
fois et remporte un vif succès.
Mais cependant, Molière
s’étant attaqué à la religion, par le personnage de Don Juan,
le parti des dévôts organise une cabale contre la pièce et son
auteur et fait interdire la pièce qui ne sera rejouée.
Dom Juan, est un grand
seigneur de Sicile. Il se considère comme athée et est fier de son
libertinage Une seule femme ne lui suffit pas, et après avoir épousé
Done Elvire, il s’empresse de l’abandonner pour aller séduire
d’autres femmes, dont Charlotte et Mathurine (Acte II scène 4).
Don Juan a fait croire à
son père qu’il s’était converti à la religion. Il s’agit
d’une comédie. Cependant, il prétend avoir compris les leçons
passées et il semble revenir dans le droit chemin. Son père est
tout heureux de cette conversion. Nous-mêmes, en tant que
spectateurs pourrions être convaincus.
Il s’agit d’un
simulacre et Don Juan n’a en fait aucune intention de se
convertir. Il continue à penser en libertin et reste athée (1).
Intérieurement, ses dispositions n’ont pas changé.
Dans cette tirade Don
Juan avoue à son valet, Sganarelle qu’il a menti à son père. Il
explique à son fidèle valet les raisons qui l’ont amené à
choisir l’hypocrisie.
Tout d’abord, nous
verrons comment Don Juan manie l’art de la rhétorique, et ensuite
nous analyserons l’éloge qu’il fait de l’hypocrisie.
I : Don Juan
maître du langage
Don Juan avoue à
Sganarelle qu’il a décidé de pratiquer l’hypocrisie pour
être tranquille. Il veut rester maître
de sa vie sans personne pour lui dicter sa conduite.
Maître de la rhétorique,
Don Juan est sûr de lui et ses arguments semblent irréfutables :
Tout d’abord il tente de persuader
son interlocuteur et le public. Il s’adresse à Sganarelle et lui
dit clairement ce qu’il pense. Il parle de la cabale, ces "gens du parti" (les dévots) qui jouissent d’une tranquillité, car ils
sont devenus maîtres dans l’art de l’hypocrisie. Il demande à
son valet « combien crois-tu que j’en connaisse, qui, par ce
stratagème, ont rhabillé adroitement les désordres de leur
jeunesse » et qui sont selon Don Juan, sont « les
plus méchants hommes du monde ? ».
Afin de renforcer son
argumentation, Il utilise également le présent de vérité générale
et généralise avec des termes comme « tous »,
« il », « l’homme de bien », « ceux ».
Afin de renforcer la généralisation, il s'exprime par ailleurs avec
des aphorismes (proverbes) tel que « qui en choque un se les jette tous sur les
bras » ou « c’est ainsi qu’il faut profiter de la
faiblesse et qu’un sage d’esprit s’accommode des vies de son
siècle ». Sûr de ses propos, il crée des images fortes chez
le spectateur à l’aide de nombreuses métaphores, comme par
exemple « grimaces », « les singes », "le manteau". Ces images renforcent son idée de l’hypocrisie.
II : L’éloge
de la l’hypocrisie
Au début de la tirade,
Don Juan cherche à prouver les vertus de l’hypocrisie qui
constitue selon lui un véritable stratagème pour vivre en paix.
Selon Don Juan, cette
conversion est un moyen de se protéger dans la société.
Pour être tranquille il
suffit de jouer un personnage, il peut ainsi « mettre en
sûreté » ses « affaires ».
Lorsque Don Juan
s’adresse à Sganarelle, au début de cette tirade il énonce des
idées générales avec notamment le pronom indéfini « on ».
Il fait passer l'hypocrisie pour une vertu : "tous les vices à la mode passent pour
vertus". Selon lui, utiliser
l’hypocrisie est un « abri favorable ». Il va même
plus loin encore en décidant de s’ériger comme
« censeur ». De cette manière, il serait
totalement libre de vivre comme il l’entend, sans que personne ne
le juge dans sa conduite où il se sent tout puissant.
Dans son siècle, tout le
monde l’adopte et il ne voit pas pourquoi lui ne pourrait pas
utiliser ce qu’il qualifie de « profession ». Il
confirme son argumentation en élevant l’hypocrisie au rang de
« vice privilégié qui de sa main, ferme la bouche à
tout le monde ». Il se considère comme pas plus condamnable
qu’un autre et il semble normal qu’il soit lui aussi hypocrite.
Il se considère au-dessus du ciel et se verrait bien en « vengeur
des intérêts du ciel ». Dans cette tirade, de nombreux termes
mélioratifs et des hyperboles renforcent les effets de
l’hypocrisie.
Il joue le « meilleur
de tous les personnages », il obtient de « merveilleux
avantages ». C’est un art, un vice privilégié, un abri
favorable.
L’hypocrisie (toujours
selon Don Juan) est un art qui inspire le respect. L’hypocrite peut
agir en toute liberté car pratique crée des liens avec la société : « on
lie (...) une société étroite avec
tous les gens du parti ». Il traite les faux dévots de « plus
méchants hommes du monde ». Il
démontre qu’en se mettant à l’abri, grâce à l’hypocrisie il
pourra continuer son libertinage sans être jugé ou condamné par la
société.
Il considère de plus qu’un « sage esprit »
comme lui doit s’accommoder du vice de son siècle et en
tirer tous les avantages. Il est conscient de l’immoralité de ses
actes, cela ne l’empêche pas de se proclamer « censeur »
des actions d’autrui.
Conclusion :
Dans cette tirade,
Molière met en scène une personne qui a l’art de manier les mots
et qui prononce un discours contraire aux valeurs traditionnelles. Il
choisit ouvertement de bafouer la religion mais également de jouer
hypocritement le rôle du dévot. Sur le plan humain, il atteint le
sommet de la scélératesse. Cette tirade se présente comme un
éloge, mais elle permet surtout à Molière de critiquer la société
de son temps et notamment de s’attaquer aux dévots. Le Tartuffe
avait été interdit par les dévots et Dom Juan subira le même
sort.
(1) Pour rappel,
le clergé et les dévots condamnent et persécutent les libertins. Louis XIV
n’aimait pas non plus les libertins pour des raisons politiques.
Un acte de
libertinage pouvait être sanctionné par la prison, l’exil ou le bûcher.
En 1629, le
clergé et les dévots avaient fondé la Compagnie du Saint Sacrement. Cette
association dissoute en 1665, groupait des laïcs et des ecclésiastiques.
Certains grands noms comme Bossuet, Anne d’Autriche… Cette société pieuse était
soutenue par le pape. Elle se voulait charitable, philanthropique, apostolique,
moralisante. Elle accueillait les malheureux. Des hôpitaux généraux avaient été
construits
Louis XIV se
méfiait de la puissance de la Compagnie du Saint Sacrement, mais comme sa mère
Anne d’Autriche en faisait partie, et parce qu’il devait soutenir certaines
personnalités du royaume il n’avait pas le choix et il devait composer.
Elle se
comportait comme une véritable cabale : cette association se livrait à des
complots et on l’appelait la Cabale des dévots.
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