Voici l'exposé d'Axelle et Antion (revu
et corrigé) suivi d'une analyse de l'argumentation :
1) Ce commentaire portera sur un extrait de L’autre monde ou Les
Etats et empires de la lune datant de 1650. L’auteur de ce roman est
de son nom complet Savinien Cyrano de Bergerac. Cyrano est un écrivain français
né à Paris et mort le 28 juillet 1655 à Sannois. Le roman a été publié deux ans
après la mort de Cyrano par son ami Henry Le Bret. Le commentaire s’appuiera
sur trois axes le premier sera la thèse défendue, le deuxième sera
l’argumentation et le troisième la contre-argumentation. Tout en répondant à la
problématique suivante : Comment l’argumentation apparaît-elle dans cet extrait
?
Tout d’abord l’extrait est un dialogue
entre Cyrano et un autre personnage débattant sur la thèse suivante: “Existe
t-il un Dieu ou pas ?” Ce dialogue est écrit à la première personne d’un point
de vue interne. Le narrateur est à la fois auteur et personnage. Car Cyrano est
l’auteur de ce récit et se met lui-même en scène sans changer de nom. Les
opinions sont réparties par personnage, Cyrano pense que Dieu existe et l’autre
personnage pense que non.
Cyrano apparaît en situation de
faiblesse par rapport à l’autre personnage et manque de répartie : “Eh
! je n’ai rien à répondre…” L.1 L’extrait laisse donc supposer que le débat,
voire la joute verbale, a déjà débuté bien avant le début de l’extrait. C’est
un débat entre un religieux et un non religieux.
Le postulat de départ pour Cyrano est
que Dieu existe. Il utilise d’abord un argument d’autorité en évoquant
« les démonstrations évidentes dont se sont servis les philosophes pour
l’établir ». « Je
ne m’amuserai point, lui dis-je, à vous réciter les démonstrations évidentes
dont les philosophes se sont servis pour l’établir : il faudrait redire tout ce
qu’ont jamais écrit les hommes raisonnables. » Pour Cyrano c’est
utile de croire, cela ne coûte rien et c’est une certaine sécurité dans le cas
où Dieu existerait. « Puisque
donc il est impossible d’en tirer que de l’utilité, que ne vous le
persuadez-vous ? »
Cyrano essaye de défendre
sa croyance mais reste faible sur ses positions et à est court d’arguments. On
sent qu’il ne trouve pas de raisons
valables de croire.
Pour Cyrano ne pas croire serait
désobéir au précepte divin. « Car s’il y a un Dieu, outre qu’en ne le croyant pas, vous vous serez
mécompté, vous aurez désobéi au précepte qui commande d’en croire… »
L’autre personnage rejette l’argument
de la désobéissance car cet argument est déduit d’une hypothèse qui reste à
démontrer. “N’allez pas
si vite, me répliqua-t-il, vous en êtes déjà à « Dieu l’a dit » ; il faut
prouver auparavant qu’il y ait un Dieu, car pour moi je vous le nie tout à
plat. “ L
1-2
Dès sa première
réplique on constate que l’adversaire de Cyrano ne croit pas en Dieu, il attend
des preuves, une utilité.
Pour lui il est impossible de désobéir
à quelque chose dont on ignore l’existence, selon lui il est impossible de
pécher car il faut le savoir ou le vouloir.
“Si fait, me répondit-il, j’en serai mieux que vous, car s’il
n’y en a point, vous et moi serons à deux de jeu ; mais, au contraire, s’il y
en a, je n’aurai pas pu avoir offensé une chose que je croyais n’être point,
puisque, pour pécher, il faut ou le savoir ou le vouloir.” L 6-8
Par ailleurs, il
montre sa supériorité sur Cyrano car il explique que si Dieu n’existe pas alors
il est mieux que lui. “Si fait, me répondit-il, j’en serai mieux que vous,
car s’il n’y en a point…”
Il se montre même
injurieux envers Dieu “sot” et “malicieux”.
Selon lui Dieu est fautif
de son incroyance car il n’est pas doté d’organes et d’esprit capable de le
comprendre. “Et si, au contraire, il m’eût donné un esprit incapable de le
comprendre, ce n’aurait pas été ma faute, mais la sienne, puisqu’il pouvait
m’en donner un si vif que je l’eusse compris.” Comme il n’y a aucune preuve
de son existence, c’est que Dieu n’a pas voulu que l’homme connaisse avec
certitude son existence.
2) Dans les lignes
précédentes, Cyrano et son interlocuteur ont débattu de la résurrection. Son
interlocuteur n’y croit pas.
Cyrano répond par
ce syllogisme : 1. Dieu ne peut mentir. 2. Or Dieu a dit que la résurrection
existe. 3. Donc, la résurrection existe.
L’interlocuteur
objecte que ce syllogisme a un préalable non démontré : l’existence de
Dieu.
Cyrano répond par un
argument d’autorité en évoquant les démonstrations des philosophes. Mais au
lieu de refaire une démonstration de l’existence de Dieu, il renonce à prouver
cette existence et il change de question. Il ne s’agit plus d’établir si Dieu
existe ou pas mais de savoir s’il est plus avantageux d’y croire ou pas (c'est
là la problématique pascalienne du pari).
Alors, il invoque
l’absence d’inconvénient de la croyance en Dieu. Pour lui absence
d’inconvénient signifie utilité (ce qui est faux puisqu’une chose dépourvue
d’inconvénient peut être inutile).
Cyrano ajoute un
troisième argument. Son raisonnement est le suivant (la deuxième
proposition est une hypothèse) : 1. Vous ne croyez pas en Dieu. 2. Or Dieu existe.
3. Donc vous vous trompez et vous lui désobéissez.
Si l’on prend
l’hypothèse contradictoire (pour la mineure) cela donne : 1. Idem. 2. Or
Dieu n’existe pas. 3. Vous n’avez aucun avantage sur le croyant.
L’athée répond : Si
Dieu n’existe pas nous serons à égalité (« à deux de jeu »). Il
est donc d’accord sur la conclusion du dernier syllogisme de Cyrano. Mais il
n’est pas d’accord avec le syllogisme précédent (hypothèse : Dieu existe).
En effet, dit-il, on ne peut désobéir à quelqu’un dont on ne connaît pas
l’existence.
L’athée ajoute un autre
argument : Si Dieu
existait et qu’il était utile de croire, alors Dieu nous aurait donné les
moyens de croire (il sous-entend que Dieu est bon par définition et que donc il
ne peut vouloir nous priver d’un avantage). L’athée montre ainsi que Cyrano a
tort d’affirmer l’utilité de la croyance. En effet, en affirmant qu’il est
utile de croire, il contredit l’existence de Dieu puisque Dieu dans sa bonté ne
pourrait priver les hommes de croyance. L’athée utilise donc un argument ad
hominem : il se sert de l’argument de l’utilité de Cyrano pour contredire
la thèse de l’existence de Dieu. Il montre ainsi que Cyrano s’est pris à son
propre piège en invoquant l’utilité de la croyance. En effet cela revient à
dire : Dieu existe parce qu’il est avantageux de le penser et Dieu n’a pas
donné à tous les hommes cet avantage donc soit Dieu n’existe pas soit il n’est
bête ou méchant, ce qui revient à dire qu’il n’existe pas en tant qu’être parfait.
On ne peut pas soutenir à la fois qu'il existe un Dieu bon et qu'il est utile
de croire en lui, c'est une contradiction puisque tous les hommes ne croient
pas en lui.
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