mercredi 29 mai 2019

Sur le texte de Cyrano

Voici l'exposé d'Axelle et Antion (revu et corrigé) suivi d'une analyse de l'argumentation :

1) Ce commentaire portera sur un extrait de L’autre monde ou Les Etats et empires de la lune datant de 1650. L’auteur de ce roman est de son nom complet Savinien Cyrano de Bergerac. Cyrano est un écrivain français né à Paris et mort le 28 juillet 1655 à Sannois. Le roman a été publié deux ans après la mort de Cyrano par son ami Henry Le Bret. Le commentaire s’appuiera sur trois axes le premier sera la thèse défendue, le deuxième sera l’argumentation et le troisième la contre-argumentation. Tout en répondant à la problématique suivante : Comment l’argumentation apparaît-elle dans cet extrait ?
Tout d’abord l’extrait est un dialogue entre Cyrano et un autre personnage débattant sur la thèse suivante: “Existe t-il un Dieu ou pas ?” Ce dialogue est écrit à la première personne d’un point de vue interne. Le narrateur est à la fois auteur et personnage. Car Cyrano est l’auteur de ce récit et se met lui-même en scène sans changer de nom. Les opinions sont réparties par personnage, Cyrano pense que Dieu existe et l’autre personnage pense que non.
Cyrano apparaît en situation de faiblesse par rapport à l’autre personnage et manque de répartie :  “Eh ! je n’ai rien à répondre…” L.1 L’extrait laisse donc supposer que le débat, voire la joute verbale, a déjà débuté bien avant le début de l’extrait. C’est un débat entre un religieux et un non religieux.
Le postulat de départ pour Cyrano est que Dieu existe. Il utilise d’abord un argument d’autorité en évoquant « les démonstrations évidentes dont se sont servis les philosophes pour l’établir ». « Je ne m’amuserai point, lui dis-je, à vous réciter les démonstrations évidentes dont les philosophes se sont servis pour l’établir : il faudrait redire tout ce qu’ont jamais écrit les hommes raisonnables. » Pour Cyrano c’est utile de croire, cela ne coûte rien et c’est une certaine sécurité dans le cas où Dieu existerait. « Puisque donc il est impossible d’en tirer que de l’utilité, que ne vous le persuadez-vous ? »
Cyrano essaye de défendre sa croyance mais reste faible sur ses positions et à est court d’arguments. On sent qu’il ne trouve pas de raisons valables de croire.
Pour Cyrano ne pas croire serait désobéir au précepte divin. « Car s’il y a un Dieu, outre qu’en ne le croyant pas, vous vous serez mécompté, vous aurez désobéi au précepte qui commande d’en croire… »
L’autre personnage rejette l’argument de la désobéissance car cet argument est déduit d’une hypothèse qui reste à démontrer. “N’allez pas si vite, me répliqua-t-il, vous en êtes déjà à « Dieu l’a dit » ; il faut prouver auparavant qu’il y ait un Dieu, car pour moi je vous le nie tout à plat. “  L 1-2
Dès sa première réplique on constate que l’adversaire de Cyrano ne croit pas en Dieu, il attend des preuves, une utilité.
Pour lui il est impossible de désobéir à quelque chose dont on ignore l’existence, selon lui il est impossible de pécher car il faut le savoir ou le vouloir.
Si fait, me répondit-il, j’en serai mieux que vous, car s’il n’y en a point, vous et moi serons à deux de jeu ; mais, au contraire, s’il y en a, je n’aurai pas pu avoir offensé une chose que je croyais n’être point, puisque, pour pécher, il faut ou le savoir ou le vouloir.” L 6-8
Par ailleurs, il montre sa supériorité sur Cyrano car il explique que si Dieu n’existe pas alors il est mieux que lui. “Si fait, me répondit-il, j’en serai mieux que vous, car s’il n’y en a point…”
Il se montre même injurieux envers Dieu “sot” et  “malicieux”.
Selon lui Dieu est fautif de son incroyance car il n’est pas doté d’organes et d’esprit capable de le comprendre. “Et si, au contraire, il m’eût donné un esprit incapable de le comprendre, ce n’aurait pas été ma faute, mais la sienne, puisqu’il pouvait m’en donner un si vif que je l’eusse compris.” Comme il n’y a aucune preuve de son existence, c’est que Dieu n’a pas voulu que l’homme connaisse avec certitude son existence.


2) Dans les lignes précédentes, Cyrano et son interlocuteur ont débattu de la résurrection. Son interlocuteur n’y croit pas.
Cyrano répond par ce syllogisme : 1. Dieu ne peut mentir. 2. Or Dieu a dit que la résurrection existe. 3. Donc, la résurrection existe.
L’interlocuteur objecte que ce syllogisme a un préalable non démontré : l’existence de Dieu.
Cyrano répond par un argument d’autorité en évoquant les démonstrations des philosophes. Mais au lieu de refaire une démonstration de l’existence de Dieu, il renonce à prouver cette existence et il change de question. Il ne s’agit plus d’établir si Dieu existe ou pas mais de savoir s’il est plus avantageux d’y croire ou pas (c'est là la problématique pascalienne du pari).
Alors, il invoque l’absence d’inconvénient de la croyance en Dieu. Pour lui absence d’inconvénient signifie utilité (ce qui est faux puisqu’une chose dépourvue d’inconvénient peut être inutile).
Cyrano ajoute un troisième argument. Son raisonnement est le suivant (la deuxième proposition est une hypothèse) : 1. Vous ne croyez pas en Dieu. 2. Or Dieu existe. 3. Donc vous vous trompez et vous lui désobéissez.
Si l’on prend l’hypothèse contradictoire (pour la mineure) cela donne : 1. Idem. 2. Or Dieu n’existe pas. 3. Vous n’avez aucun avantage sur le croyant.
L’athée répond : Si Dieu n’existe pas nous serons à égalité (« à deux de jeu »). Il est donc d’accord sur la conclusion du dernier syllogisme de Cyrano. Mais il n’est pas d’accord avec le syllogisme précédent (hypothèse : Dieu existe). En effet, dit-il, on ne peut désobéir à quelqu’un dont on ne connaît pas l’existence.
L’athée ajoute un autre argument : Si Dieu existait et qu’il était utile de croire, alors Dieu nous aurait donné les moyens de croire (il sous-entend que Dieu est bon par définition et que donc il ne peut vouloir nous priver d’un avantage). L’athée montre ainsi que Cyrano a tort d’affirmer l’utilité de la croyance. En effet, en affirmant qu’il est utile de croire, il contredit l’existence de Dieu puisque Dieu dans sa bonté ne pourrait priver les hommes de croyance. L’athée utilise donc un argument ad hominem : il se sert de l’argument de l’utilité de Cyrano pour contredire la thèse de l’existence de Dieu. Il montre ainsi que Cyrano s’est pris à son propre piège en invoquant l’utilité de la croyance. En effet cela revient à dire : Dieu existe parce qu’il est avantageux de le penser et Dieu n’a pas donné à tous les hommes cet avantage donc soit Dieu n’existe pas soit il n’est bête ou méchant, ce qui revient à dire qu’il n’existe pas en tant qu’être parfait. On ne peut pas soutenir à la fois qu'il existe un Dieu bon et qu'il est utile de croire en lui, c'est une contradiction puisque tous les hommes ne croient pas en lui.

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