Deux références pour les correspondances :
1) Un extrait du
Salon de 1846 : J’ignore si
quelque analogiste a établi solidement une gamme complète des couleurs et des
sentiments, mais je me rappelle un passage d’Hoffmann qui exprime parfaitement
mon idée, et qui plaira à tous ceux qui aiment sincèrement la nature :
« Ce n’est pas seulement en rêve, et dans le léger délire qui précède le
sommeil, c’est encore éveillé, lorsque j’entends de la musique, que je trouve
une analogie et une réunion intime entre les couleurs, les sons et les parfums.
Il me semble que toutes ces choses ont été engendrées par un même rayon de
lumière, et qu’elles doivent se réunir dans un merveilleux concert. L’odeur des
soucis bruns et rouges produit surtout un effet magique sur ma personne. Elle
me fait tomber dans une profonde rêverie, et j’entends alors comme dans le
lointain les sons graves et profonds du hautbois. »1 Baudelaire,
Salon de 1846.
1. Hoffmann, Kreisleriana, 1815.2) Le sonnet intitulé "Correspondances" dans Les Fleurs du mal.
Les correspondances créent l'harmonie
Deux sortes de correspondance :
Entre les sensations (synesthésie) visuelles (ciel comparé à un reposoir, "le soleil s'est noyé dans son sang", "passé lumineux", "luit en moi comme un ostensoir"), olfactives ("chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir", "les parfums"), auditives ("les sons", "valse", "le violon frémit")
Entre le monde extérieur et l'âme :
Le tournoiement des sons et des parfums crée le "langoureux (langueur : état de faiblesse de l'amour) vertige" du poète
Le son du violon et le ciel du couchant correspondent à la tristesse du cœur
La lumière correspond à la survivance, la nuit correspond au néant
Axe 2 : La disparition et le retour
Le soir marque la disparition du jour
Le néant est la disparition de tout
Au bord de la disparition, le poète recueille ce qui revient par le souvenir ("du passé lumineux recueille tout vestige")
Le souvenir est le retour de ce qui a disparu (souvenir de la femme aimée), il est lumière face à la nuit du néant (oubli et mort)
Cette lumière est recueillie : le poète tire le souvenir de l'oubli, la lumière de la nuit, il réunit en lui les souvenirs et se concentre sur eux (se recueille)
La répétition du rythme (valse, poème) et des vers figure le retour du passé : les vers 2 et 4 de chaque strophe deviennent les vers 1 et 3 de la strophe suivante, ils "remontent" comme le souvenir
La répétition harmonieuse crée un vertige ("État dans lequel il semble que tous les objets tournent et que l'on tourne soi-même", dit le dictionnaire Littré) comme celui de la valse, une ivresse, un envoûtement
Le poème est comme un chant du cygne car le cœur au bord du "néant vaste et noir" s'enivre de l'harmonie du soir et du souvenir
Le souvenir embellit et le retour de ce qu'on va perdre de nouveau (définitivement) donne un éclat suprême à la beauté ou au bonheur
Voici ce que dit Socrate qui va mourir à propos du chant du cygne dans le Phédon de Platon :
"Les cygnes,
quand ils sentent qu’ils vont mourir, chantent encore mieux ce jour-là qu’ils
n’ont jamais fait, dans leur joie d’aller trouver le dieu qu’ils servent. Mais
la crainte que les hommes ont eux-mêmes de la mort leur fait calomnier ces
cygnes, en disant qu’ils pleurent leur mort, et qu’ils chantent de
tristesse ; et ils ne font pas cette réflexion qu’il n’y a point d’oiseau
qui chante quand il a faim ou froid, ou quand il souffre de quelque autre
manière, non pas même le rossignol, l’hirondelle ou la huppe, dont on dit que
le chant est une complainte. Mais je ne crois pas que ces oiseaux chantent de
tristesse, ni les cygnes non plus ; je crois plutôt qu’étant consacrés à
Apollon, ils sont devins, et que, prévoyant le bonheur dont on jouit au sortir
de la vie, ils chantent et se réjouissent ce jour-là plus qu’ils n’ont jamais
fait."
Dans le poème, c'est du bonheur passé et non futur que le cœur s'enivre. L'harmonie du soir est disparition du jour, abolition de l'espace (qui est de moins en moins visible) et du temps, dont il ne reste que la lumière du couchant et celle du souvenir. Dans "Le crépuscule du soir" Baudelaire écrit : "La nuit, qui mettait ses ténèbres dans leur esprit, fait la lumière dans le mien". Le jour oppose les choses et les sépare dans l'espace visible. La nuit qui vient commence à les confondre "dans une ténébreuse et profonde unité" ("Correspondances"). La nuit intériorise la lumière qui n'est plus dehors mais dans la mémoire. La correspondance (analogie) entre dehors et dedans devient fusion, mélange intime, "fusion de mon être avec la nature", dit Baudelaire dans Les Paradis artificiels.
Dans le poème, c'est du bonheur passé et non futur que le cœur s'enivre. L'harmonie du soir est disparition du jour, abolition de l'espace (qui est de moins en moins visible) et du temps, dont il ne reste que la lumière du couchant et celle du souvenir. Dans "Le crépuscule du soir" Baudelaire écrit : "La nuit, qui mettait ses ténèbres dans leur esprit, fait la lumière dans le mien". Le jour oppose les choses et les sépare dans l'espace visible. La nuit qui vient commence à les confondre "dans une ténébreuse et profonde unité" ("Correspondances"). La nuit intériorise la lumière qui n'est plus dehors mais dans la mémoire. La correspondance (analogie) entre dehors et dedans devient fusion, mélange intime, "fusion de mon être avec la nature", dit Baudelaire dans Les Paradis artificiels.