mardi 19 février 2019

Commentaire de "Harmonie du soir" (plan détaillé)

Axe 1 : Les correspondances

Deux références pour les correspondances : 

 1) Un extrait du Salon de 1846 : J’ignore si quelque analogiste a établi solidement une gamme complète des couleurs et des sentiments, mais je me rappelle un passage d’Hoffmann qui exprime parfaitement mon idée, et qui plaira à tous ceux qui aiment sincèrement la nature : « Ce n’est pas seulement en rêve, et dans le léger délire qui précède le sommeil, c’est encore éveillé, lorsque j’entends de la musique, que je trouve une analogie et une réunion intime entre les couleurs, les sons et les parfums. Il me semble que toutes ces choses ont été engendrées par un même rayon de lumière, et qu’elles doivent se réunir dans un merveilleux concert. L’odeur des soucis bruns et rouges produit surtout un effet magique sur ma personne. Elle me fait tomber dans une profonde rêverie, et j’entends alors comme dans le lointain les sons graves et profonds du hautbois. »1 Baudelaire, Salon de 1846. 
1. Hoffmann, Kreisleriana, 1815.

2) Le sonnet intitulé "Correspondances" dans Les Fleurs du mal.

Les correspondances créent l'harmonie
Deux sortes de correspondance :
Entre les sensations (synesthésie) visuelles (ciel comparé à un reposoir, "le soleil s'est noyé dans son sang", "passé lumineux", "luit en moi comme un ostensoir"), olfactives ("chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir", "les parfums"), auditives ("les sons", "valse", "le violon frémit")
Entre le monde extérieur et l'âme : 
Le tournoiement des sons et des parfums crée le "langoureux (langueur : état de faiblesse de l'amour) vertige" du poète
Le son du violon et le ciel du couchant correspondent à la tristesse du cœur
La lumière correspond à la survivance, la nuit correspond au néant

Axe 2 : La disparition et le retour

Le soir marque la disparition du jour

Le néant est la disparition de tout
Au bord de la disparition, le poète recueille ce qui revient par le souvenir ("du passé lumineux recueille tout vestige")
Le souvenir est le retour de ce qui a disparu (souvenir de la femme aimée), il est lumière face à la nuit du néant (oubli et mort)
Cette lumière est recueillie : le poète tire le souvenir de l'oubli, la lumière de la nuit, il réunit en lui les souvenirs et se concentre sur eux (se recueille)
La répétition du rythme (valse, poème) et des vers figure le retour du passé : les vers 2 et 4 de chaque strophe deviennent les vers 1 et 3 de la strophe suivante, ils "remontent" comme le souvenir
La répétition harmonieuse crée un vertige ("État dans lequel il semble que tous les objets tournent et que l'on tourne soi-même", dit le dictionnaire Littré) comme celui de la valse, une ivresse, un envoûtement
Le poème est comme un chant du cygne car le cœur au bord du "néant vaste et noir" s'enivre de l'harmonie du soir et du souvenir
Le souvenir embellit et le retour de ce qu'on va perdre de nouveau (définitivement) donne un éclat suprême à la beauté ou au bonheur
Voici ce que dit Socrate qui va mourir à propos du chant du cygne dans le Phédon de Platon : 

"Les cygnes, quand ils sentent qu’ils vont mourir, chantent encore mieux ce jour-là qu’ils n’ont jamais fait, dans leur joie d’aller trouver le dieu qu’ils servent. Mais la crainte que les hommes ont eux-mêmes de la mort leur fait calomnier ces cygnes, en disant qu’ils pleurent leur mort, et qu’ils chantent de tristesse ; et ils ne font pas cette réflexion qu’il n’y a point d’oiseau qui chante quand il a faim ou froid, ou quand il souffre de quelque autre manière, non pas même le rossignol, l’hirondelle ou la huppe, dont on dit que le chant est une complainte. Mais je ne crois pas que ces oiseaux chantent de tristesse, ni les cygnes non plus ; je crois plutôt qu’étant consacrés à Apollon, ils sont devins, et que, prévoyant le bonheur dont on jouit au sortir de la vie, ils chantent et se réjouissent ce jour-là plus qu’ils n’ont jamais fait."
Dans le poème, c'est du bonheur passé et non futur que le cœur s'enivre. L'harmonie du soir est disparition du jour, abolition de l'espace (qui est de moins en moins visible) et du temps, dont il ne reste que la lumière du couchant et celle du souvenir. Dans "Le crépuscule du soir" Baudelaire écrit : "La nuit, qui mettait ses ténèbres dans leur esprit, fait la lumière dans le mien". Le jour oppose les choses et les sépare dans l'espace visible. La nuit qui vient commence à les confondre "dans une ténébreuse et profonde unité" ("Correspondances"). La nuit intériorise la lumière qui n'est plus dehors mais dans la mémoire. La correspondance (analogie) entre dehors et dedans devient fusion, mélange intime, "fusion de mon être avec la nature", dit Baudelaire dans Les Paradis artificiels.


lundi 18 février 2019

Egalité (problématique)


Problématique : « les hommes naissent libres et égaux » et pourtant chacun peut constater les inégalités sociales (« et pourtant partout ils sont dans les fers »)

Différence égalité / identité
Egalité à l’état naturel : les différences entre les hommes n’entraînent pas de hiérarchie, de domination, d’oppression, elles ne modifient pas durablement la position des hommes tant qu’il n’y a pas de propriété (Locke)
Ces différences entre les individus sont négligeables (Hume)
L’égalité naturelle est celle des droits naturels (propriétés innées de l’être humain)
Droit à la vie selon Hobbes
Droit à la liberté et à la propriété selon Locke : si l’homme est libre alors il n’appartient à personne sinon à lui-même et donc tout ce qu’il produit lui appartient (s’il fabrique un coup de poing il est légitime que ce coup de poing soit sa propriété)
Ces droits dépendent de Dieu ou de la nature (ou de la raison)
Ces droits sont des finalités, des destinations naturelles de l’être humain

Selon Rousseau, c’est la propriété qui instaure l’inégalité entre les hommes (donc l’état social)

Les hommes ont le même droit à la propriété, i. e. ils sont tous également justifiés à posséder s’ils possèdent mais ce droit n’implique pas que chacun doive nécessairement posséder, il implique seulement que nul ne peut légitimement lui enlever sa possession, mais pas qu’il ait un droit sur telle chose qu’il n’a pas produite ou à laquelle il n’a pas ajouté une valeur
Le droit à la propriété est conditionné par l’existence de la propriété (fruit du travail), il ne crée pas la propriété

Egalité naturelle
Egalité sociale : égalité de droits ou devant la loi, égalité des chances, égalité des conditions, égalité des ressources, égalité économique

Synthèse sur l'égalité


Argumentation sur l’égalité (Locke, Rousseau, Baudelaire) : 
1) Argumentation de Locke :
Tous les hommes sont naturellement égaux.
Donc ils ont les mêmes propriétés ou les mêmes droits (un droit est une permission naturelle, un caractère qui est commun à toute l’espèce).
Or la liberté est une propriété ou un droit.
Donc tous les hommes sont libres.
La liberté est-elle le droit de tout faire ?
Si chaque homme a le droit de tout faire alors il a le droit d’interdire aux autres de tout faire.
En ce cas, chaque homme a le droit d’être le seul à être libre et chaque homme accepte que tous les autres le privent de sa liberté. C’est absurde car un droit est propre à toute l’espèce donc un seul homme ne peut le posséder. Cela reviendrait à admettre qu’un seul homme peut représenter l’humanité et que chacun peut décider qui est humain ou ne l’est pas.
Donc la liberté n’est pas le droit de tout faire (licence).
S’il n’y avait pas d’égalité entre les hommes, alors il n’y aurait pas de droit. Il n’y aurait donc pas de liberté. Sans égalité, ce serait la chance ou le hasard et non la justice qui décideraient du pouvoir de chacun. Il n’y aurait pas de liberté mais seulement une licence, c’est-à-dire un pouvoir dépendant de la chance. La liberté appartient à chaque homme, tandis que la licence peut être perdue à tout moment si les circonstances s’y opposent.
En conclusion, il n’y a de droit que dans la nature de l’homme et donc les hommes sont égaux en droit et la liberté est l’ensemble des droits de chacun.
Un droit naturel est une permission inaliénable sans laquelle on ne serait pas homme. Donc les hommes ont les mêmes droits naturels. Donc ils sont égaux. Donc, puisque la liberté est l’ensemble des droits, ils sont tous libres.
2) Rousseau :
Proposition p : L’agriculture existe.
Proposition q : La propriété existe.
Implication :
Si l’agriculture existe alors la propriété existe.
Si p alors q.
p est la condition suffisante :
Il suffit que p soit vrai (que l’agriculture existe) pour que q soit vrai (la propriété existe).
q est la condition nécessaire :
Il est nécessaire que la propriété existe si l’agriculture existe.
Les hommes sont devenus inégaux parce qu’ils avaient des capacités différentes et que les circonstances (notamment économiques) ont valorisé certaines capacités. Cette inégalité est due à la chance, au hasard. Si l’on fait abstraction de la chance, il reste que les hommes sont naturellement égaux.
3) Baudelaire :
Un homme est égal aux autres s’il le prouve. L’égalité naturelle doit être défendue par chaque homme sans quoi elle risque de ne pas être respectée. Il faut inciter chacun à prendre conscience de ses droits afin d’instaurer une égalité sociale.

Synthèse :
Dire « les hommes sont égaux », c’est comme affirmer « les triangles sont égaux ». Or tous les triangles ne le sont pas : il y en a des isocèles, des rectangles, des grands, des petits, etc. Ce qu’on veut dire, c’est que toutes les figures appelées « triangle » présentent une égalité sur deux points : la somme de leurs angles et le nombre de leurs côtés. De même, les hommes présentent une égalité sur quelques points : ils ont les mêmes droits, celui de vivre en sécurité, d’être libres et propriétaires. C’est la volonté de Dieu (pour ceux qui croient, comme Locke) et leur finalité (ils sont faits pour cela). Ils sont faits pour cela parce qu’ils ont tous une raison qui leur permet d’être libres (de choisir le vrai et le bien), qui justifie la propriété par le travail et justifie la vie de chaque homme. L’égalité des droits est donc ce qui définit l’humanité, comme les mêmes propriétés définissent tous les triangles. Le concept d’humanité est un et indivisible comme le concept de triangle. Comme les hommes ont tous les mêmes droits, le seul pouvoir légitime et incontestable est le pouvoir décidé par le consentement de tous les hommes. 
Les hommes sont tous différents. Dire qu'ils sont inégaux c'est dire qu'ils entrent dans une hiérarchie. Il y aurait entre eux un rapport de supériorité et d'infériorité. Par exemple, Paul est plus riche que Pierre, Pierre est plus intelligent que Jean, etc. Le problème, c'est que pour hiérarchiser, il faut un critère de valeur : intelligence, richesse, force, etc. Et il y a quantité de critères. Leur nombre n'est même pas fixé. Comment va-t-on faire pour décider que Paul vaut plus que Pierre ? Pas selon un seul critère mais selon tous les critères ? On pourrait dire : Paul vaut plus que Pierre s'il lui est supérieur selon un plus grand nombre de critères. Par exemple, il le bat dans dix domaines alors que Pierre ne l'emporte que dans cinq. Mais cela ne marche pas car le nombre des critères n'est pas défini. Combien y en a-t-il ? Et parmi tous ces critères (force, santé, beauté, rapidité, courage, talent, moralité, etc.) y en a-t-il qui valent plus que d'autres ? Là non plus, ce n'est pas fixé. Donc on ne pas dire globalement que Paul est supérieur à Pierre. Donc ils ne sont pas inégaux en général. S'ils ne sont pas inégaux, ils sont égaux. Si vous ne pouvez pas dire qu'un caillou vaut plus qu'un autre caillou, c'est donc qu'ils ont la même valeur. Donc les hommes ont dans l'absolu (en dehors de leur position sociale) la même valeur. C'est pourquoi on peut dire qu'ils sont naturellement égaux. De plus, ils sont égaux en droits, c'est-à-dire qu'ils ont les mêmes droits. Qu'est-ce qu'un droit naturel ? Une possibilité qui appartient à quelqu'un de par sa nature. Chaque homme est fait pour vivre, il est conçu pour cela. Il est également conçu pour être libre c'est-à-dire pour faire ce que sa volonté lui dicte et non pour dépendre de la volonté d'un autre. Il est aussi conçu pour posséder ce qu'il fait. Tels sont les trois droits de chaque homme (le droit à la sécurité se confond avec le droit à la vie) : droit à la vie, à la liberté et à la propriété.
Bien sûr, dans les faits, il y a des inégalités entre les hommes. Mais il est juste de penser qu'aucune de ces inégalités partielles (la richesse par exemple) ne suffit à faire d'un homme un être supérieur sur tous les plans. Donc il n'est pas juste (conforme au droit naturel) qu'un homme se voit attribuer des droits supérieurs à ceux des autres. Il n'est pas juste, par exemple, que sa vie ou sa liberté l'emportent sur celle des autres.

Commentaire du texte de Locke (plan détaillé)


Locke, Traité du gouvernement civil 1690 :
John Locke (1632 - 1704) était un philosophe anglais, l'un des premiers et des plus importants penseurs de l'Enlightenment (les Lumières anglaises). Sur le plan épistémologique, c'est un représentant de l'empirisme, considérant que toute connaissance vient de l'expérience. Sur le plan politique, il est un des fondateurs intellectuels du libéralisme.

1) Les raisons de la théorie du contrat et de l’égalité :
Dans le chapitre 1, Locke donne l’une des raisons de la théorie du contrat social et de l’état de nature : si le pouvoir politique ne reposait que sur la force et la violence comme chez les « bêtes », alors le « désordre », « la sédition »,  « la rébellion » seraient justifiés.  Il « faut donc trouver » une autre origine du pouvoir politique et une autre façon de reconnaître les tenants de ce pouvoir. Cette autre raison est le contrat social qui suppose un état de nature dont il fait sortir et dont il découle en même temps car le pouvoir est fondé sur la raison qui existe à l’état de nature. Et dans cet état de nature, il n’y a aucun pouvoir politique, car les hommes, tous doués de raison, sont égaux en pouvoir et en droits. 

Si les hommes sont égaux à l’état de nature, alors aucun ne détient plus de pouvoir ou de droits qu’un autre.
Donc, il n’y a pas de pouvoir politique.
Donc, le pouvoir politique fait sortir les hommes de l’état de nature.
Les hommes étant égaux, ce pouvoir ne peut émaner de la force.
Il émane donc du consentement mutuel.

Locke reconnaît que le premier pouvoir peut avoir été celui du père. Mais pour lui le pouvoir  social n’est pas paternel et monarchique par nature. Les premières monarchies étaient électives.

Les souverains et les états entre eux sont dans l’état de nature. La guerre ne peut être évitée par le recours à un juge ou à un arbitre. Les hommes ont formé une société civile et ont quitté l’état de nature pour éviter l’état de guerre

L’autre raison du contrat social est de proscrire la monarchie absolue et de justifier les gouvernements  constitutionnels.

2) Dieu et les limites à la liberté :
Etat de nature = liberté mais non licence car loi naturelle : raison
Limites : devoirs ou obligations : pas le droit de se détruire, de nuire aux autres ou de lui enlever sa propriété
La liberté de la nature implique l’égalité de pouvoir et de droit (juridiction : pouvoir de juger)
Cette égalité est nécessaire : elle est une évidence du point de vue de la raison (des êtres semblables que rien ne distingue (« mêmes facultés ») ne peuvent être soumis les uns aux autres)

Dieu : les hommes lui appartiennent donc ils n’ont pas le droit de détruire son ouvrage
Sans l’hypothèse de Dieu, les hommes pourraient avoir le droit de se détruire eux-mêmes ou les uns les autres
Dieu > finalité > les hommes sont faits pour se conduire selon la raison (confiance dans le genre humain à la différence du pessimisme)



Commentaire "Assommons les pauvres"


« Assommons les pauvres » :
Premier axe : l'argumentation :
1) Il y a apparemment deux thèses : « Celui-là seul est l'égal d'un autre, qui le prouve » et « celui-là seul est digne de la liberté, qui sait la conquérir ».
Première thèse :
Baudelaire veut dire que l'égalité naturelle (égalité des droits) ne suffit pas à rendre tous les hommes réellement égaux dans la société. Pour que cette égalité de droit soit une égalité de fait, il faut que l'individu prenne conscience de ses droits et les défende (soit par le discours soit par les actes). Par exemple, malgré l'égalité naturelle, le peuple français est soumis à la dictature de Napoléon III et les pauvres sont soumis aux riches. Il faut donc que le peuple défende ses droits face au pouvoir qui ne les reconnaît pas. Il faut que les pauvres travailleurs défendent leurs droits face aux riches propriétaires. La loi naturelle de l'égalité ne s'impose pas à tous les hommes (bien que ceux-ci soient raisonnables), il faut la faire respecter par la force.
Deuxième thèse :
Il faut distinguer entre la liberté de droit (droit naturel) et la liberté de fait (application du droit naturel dans une société). Le droit à la liberté n'est pas toujours respecté par le pouvoir et par les autres. Les lois d'un pays ne sont pas forcément conformes à la loi naturelle. Il y a des lois liberticides. Il y a aussi des individus qui portent atteinte à votre liberté. Donc chaque peuple doit conquérir sa liberté et la défendre. Chaque individu doit faire respecter sa liberté individuelle.

Les deux thèses peuvent se réduire à la première car l'égalité implique la liberté. En effet, si tous les hommes ne sont pas libres alors ils ne sont pas tous égaux.
2) Quel est le rapport entre la thèse et l'anecdote du mendiant?
Baudelaire a l'air de faire une expérience pour prouver qu'il a raison, (comme un "philosophe qui vérifie l'excellence de sa théorie") mais son expérience  ne prouve rien. Ce n'est pas une vérification de sa thèse, ce n'est qu'une illustration. Ce n'est pas une vérification parce que le résultat dépend de Baudelaire. Si le mendiant ne réplique pas, Baudelaire ne donnera pas la moitié de sa bourse et donc ils ne seront pas égaux. Si le mendiant réplique, Baudelaire donnera la moitié de sa bourse et donc ils seront à égalité. C'est Baudelaire (l'expérimentateur) qui a décidé d'avance du résultat de l'expérience. L'expérience est faussée car le sujet de l’expérimentation est en même temps l’objet.

« Celui-là seul est l'égal d'un autre, qui le prouve »
Expliquez et discutez la thèse de Baudelaire.
Cette affirmation est problématique : problème de son sens, problème de sa vérité
égalité : similitude
égalité des droits (propriété, sécurité, liberté, résistance à l’oppression)
égalité juridique : face à la loi
égalité politique : droit d’accéder aux mêmes emplois publics, droit de vote
égalité sociale : égalité des chances et distinction suivant le mérite
Si l’égalité doit être prouvée, elle n’est pas donnée à la naissance. Elle n’est pas une relation entre des individus considérés uniquement en tant qu’hommes et citoyens.
Elle est une relation entre des individus considérés dans leur particularité du point de vue de la nature ou du point de vue social. Différence de force, de capacité ou différence de condition sociale et de fortune.
Il s’agit, selon cette phrase, d’une égalité qui doit être reconnue par l’autre. Ce n’est donc pas l’égalité des droits que détermine la loi. C’est une égalité entre deux individus et non entre tous les hommes, une égalité particulière et non universelle. Si l’on met de côté l’égalité des droits et l’égalité des chances, il reste à mesurer l’effort, le mérite, l’utilité sociale.
Ou bien Baudelaire veut-il dire que l’égalité de droit doit être défendue par chacun car elle est souvent menacée. Il écrit ce poème après le coup d’état de Napoléon III et la proclamation de l’Empire. Il est déçu par la passivité du peuple qui ne s’est pas opposé à Napoléon III.
« celui-là seul est digne de la liberté, qui sait la conquérir »
Etre digne de la liberté signifie la mériter en la conquérant. Il ne s’agit donc pas d’une liberté qui appartiendrait à tout homme du seul fait de son humanité. Il ne s’agit pas du libre arbitre ou de la suspension du déterminisme. Baudelaire parle-t-il ici de la liberté en tant que pouvoir de ne se laisser déterminer par rien d’étranger à la volonté ? Il faudrait alors que l’homme résiste à toute contrainte, qu’elle soit extérieure ou intérieure.
Rapport à l’expérience : celle-ci ne prouve rien. Il faudrait répéter l’expérience et déterminer toutes les conditions. S’il tombait sur un mendiant sans force physique.
Il a créé une situation qui correspond à sa thèse. Mais il ne peut prévoir la réaction du mendiant et encore moins la sienne. Ici le sujet de l’expérimentation est en même temps l’objet.
Elle indique une égalité de droit (sécurité) puisque Baudelaire vérifie qu’aucun agent ne peut le voir. Si l’on ne tient pas compte de cette égalité de droit, il reste une inégalité créée par l’agression qui donne une supériorité à Baudelaire. Mais la réplique du mendiant manifeste une égalité de volonté et de force. C’est une égalité de fait.
Mais il y a une inégalité de droit qui subsiste puisque le vieillard est dans son droit et non Baudelaire.
La loi est une preuve de l’égalité de droit entre les hommes. Quant à l’égalité sociale, elle implique en effet que chaque homme soit distingué selon son mérite.

Deuxième axe :
Il y a une histoire et des personnages donc c'est un récit.
Récit au passé (passé simple) avec un sommaire (quinze jours) et une scène (rencontre du mendiant).
Ce récit est un apologue (histoire illustrant une vérité générale, comme une fable).
La vérité c'est : Si un homme le prouve, alors il est l'égal des autres.
Particularité de cet apologue : le désir de vérifier cette vérité générale est ce qui fait agir le héros : c'est comme si le renard voulait vérifier que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute.
C'est un  récit comique :
Satire des philosophes de l'époque qui traitent de politique : § 1 et § 2 ("formules de bonne femme")
Comique de gestes avec la bagarre (hyperboles amusantes), c'est burlesque.
Comique de mots : hyperboles, oxymore ("regard de haine (...) de bon augure"), antiphrase ("énergique médication" = agression), comparaison avec les cuisiniers qui attendrissent un bifteck.
Humour : le poète se moque de lui-même : il prétend mériter un "brevet de folie" signé par deux médecins (Lélut et Baillarger), il vérifie prudemment qu'il n'y a pas d'agent dans les parages, il se compare à un philosophe du Portique (stoïcien : indifférence à la souffrance), il dit que son démon est supérieur à celui de Socrate.

lundi 4 février 2019

Commentaire du texte de Voltaire : première partie

Dans cette partie, nous allons analyser l'argumentation de Voltaire. Dans cet extrait intitulé « Bêtes », Voltaire contredit la théorie cartésienne qui dit que les animaux sont des machines. Cette thèse peut se défendre par le syllogisme suivant, que Voltaire ne formule pas mais qui est implicite. Selon la majeure de ce syllogisme, ce qui n'a pas d'esprit est une machine, or les animaux n'ont pas d'esprit. Donc on en déduit la thèse cartésienne, à savoir que les animaux sont des machines.Voltaire défend dans son texte deux thèses. Il commence par défendre la négation de cette thèse. Mais il ne s'arrête pas là. En effet, il va ensuite soutenir une seconde thèse dont le thème est la vivisection des animaux. Nous allons voir à présent comment Voltaire soutient sa première thèse. Tout d'abord Voltaire met en parallèle l'homme et l'animal. Il veut montrer que les animaux ont des sentiments comme les hommes. Or comment prouver qu'un être a des sentiments ? En effet, les animaux, comme le dit Voltaire à propos du chien, ne possèdent pas de langage. Il n'importe, prenons un être qui ne s'exprime pas par la parole et voyons s'il montre des sentiments. Voltaire propose à son lecteur une expérience de pensée. Il se met lui même en scène dans l'exemple fictif qui représente les observations que n'importe qui peut faire : « je ne te parle pas (…) plaisir ». Les signes extérieurs tels que l'expression ou le mouvement suffisent à prouver le sentiment, ce qu'on peut formuler par le syllogisme suivant. Premièrement, ceux qui montrent des signes de joie ou de tristesse ont des sentiments or les hommes montrent de tels signes donc les hommes ont des sentiments. Il suffit à présent de remplacer homme par animal dans la deuxième prémisse pour pouvoir déduire que les animaux ont des sentiments. A partir de la, il est facile de contredire Descartes. En effet, on sait qu'une machine n'a pas de sentiments. Or Voltaire a montré que les animaux avaient des sentiments. Donc les animaux ne sont pas des machines. Voltaire utilise un deuxième argument que l'on peut présenter sous la forme du syllogisme suivant. Premièrement, une machine ne peut s'adapter et apprendre. Or, un animal peut s'adapter et apprendre. Cette deuxième prémisse repose sur l'observation d'un oiseau faisant son nid : « cet oiseau qui fait son nid en demi-cercle quand il l'attache à un mur (…) arbre ». Voltaire ajoute deux autres exemples, celui du serin qui apprend à chanter et celui du chien qui apprend à chasser. De ces deux prémisses, on peut inférer que les animaux ne sont pas des machines. Nous avons donc vu la première partie de l'argumentation de Voltaire. Nous allons maintenant montrer comment il soutient la deuxième thèse, à savoir que la vivisection des animaux est barbare. Comment le prouver ?